Le 8 mars célèbre la place de la femme dans notre société. Le secteur de la santé, largement féminisé, mise sur le dynamisme des femmes, leur énergie créative, leurs réserves d’idées pour améliorer, voire réinventer le système hospitalier.
Retrouver l’édition n°1 ainsi que l’édito complet de Frédérique Gama, présidente de la FHP-MCO.
Clara de BORT, Directrice Générale de l’ARS Centre-Val de Loire
Dans vos fonctions, avez-vous été surprise, voire heurtée, parce que vous étiez une femme ?
C’est cette question qui est surprenante ! D’abord je n’ai jamais été un homme donc je ne sais pas ce que ça fait. L’inverse est d’ailleurs vrai aussi, enfin la plupart du temps.
En cette journée du 8 mars, tentons d’éviter l’essentialisation. « La » femme n’existe pas, « L »’homme non plus. Être une femme ne me définit ni ne me résume. Chacun de nous est fait de mille caractéristiques, histoires, pensées, émotions. Et je suis probablement bien plus « ressemblante » dans ma façon de penser, d’agir, de ressentir à un homme cadre supérieur parisien du monde de la santé qu’à une femme cultivatrice de l’Himalaya. Et même l’expérience de la grossesse, que nous pourrions nous renvoyer comme point commun fondamental, ne l’est pas dans mon quotidien, ne concerne pas toutes les femmes, et n’est pas vécue de la même façon ici et à Katmandou.
Si vous aviez une unique mesure à proposer pour plus d’égalité homme/femme dans le monde du travail quelle serait-elle ?
Expliciter et travailler le conflit de loyauté dans lequel se trouvent encore parfois les parents, et tout particulièrement les (futures) mères de famille. Oui on peut être une bonne mère et passer des concours. Oui c’est bien aussi pour un enfant de voir son/ses parents se former et se développer professionnellement. Oui, on peut être une bonne mère et ne pas être présente tous les soirs à la sortie de l’école. Tant de filles et de femmes se limitent encore dans les ambitions tant elles anticipent la difficulté à tout concilier, quand « la femme » est encore socialement (et parfois matériellement) investie d’une responsabilité parentale totalisante. Je suis très gênée d’entendre encore des femmes talentueuses exprimer qu’elles ne veulent pas « sacrifier leur famille » comme si, elles, devaient nécessairement choisir et que ce choix ferait nécessairement des dégâts.
En somme, pour répondre à votre question, le monde du travail n’est pas déconnecté du monde tout court et des représentations qui le traverse. Qu’on le veuille ou non, vie privée et vie professionnelle ne sont et ne peuvent être étanches et c’est en travaillant sur l’égalité en général, notamment dans le cercle familial, qu’on gagnera en égalité professionnelle.
Cela ne veut pas dire que le monde du travail ne doit rien faire. Ne pas attendre que les collaborateurs expriment une demande d’augmentation (en sachant que les collaboratrices le font moins volontiers), et analyser avec le prisme du genre les rémunérations et promotions. Se former aux biais de recrutement, chasser du vocabulaire des fiches d’évaluation que madame est « souriante », exprimer formellement et régulièrement le refus des ambiances sexistes… Des actions structurantes et une veille de tous les jours sont nécessaires, et que l’on soit un manageur ou une manageuse.
J’ai, à mon humble niveau, œuvré pour les quotas dans la haute fonction publique. Et je le dis sans honte : j’en suis un produit. On m’a donné la chance, aussi parce qu’on y a été un peu poussé, et ça ne me rend pas moins légitime.
Et à celles qui me disaient « Je ne veux pas être nommée parce que je suis une femme » je répondais et réponds toujours « Je ne veux plus que tu sois refusée parce que tu es une femme ».
Droit Photo : Philippe Chagnon
Anne Bruant-Bisson, Directrice générale de l’ARS Martinique
En tant que directrice générale d’ARS, quelle est votre plus belle réussite ?
Je ne suis en poste que depuis plus d’un an, mais je dirais en externe, avoir pu faire sortir enfin certains dossiers à forts enjeux pour le territoire : mise en place de notre conciergerie dans le cadre d’un plan d’attractivité, avancée significative du projet de reconstruction de Trinité, lancement d’une vraie dynamique collective sur la prise en charge des cancers. Et en interne à l’agence, avoir pu, avec le concours d’une direction des RH très dynamique, faire avancer clairement les actions en matière de qualité de vie et des conditions de travail (QVCT).Dans vos fonctions, avez-vous été surprise/heurtée parce que vous étiez une femme ?
Parfois. Certaines attitudes me surprennent encore aujourd’hui, mais elles sont rares. A contrario, de très nombreux partenaires m’ont accueillie avec bienveillance, voire enthousiasme, aussi parce que j’étais une femme, avec sur certains sujets un vécu qui m’a fait percevoir comme plus proche des réalités.
Carole MICHENEAU, Directrice des filières de soins Ramsay Santé, administratrice de la FHP-MCO
Quelle est votre plus belle réussite professionnelle ?
Sans être présomptueuse, ma réussite est d’avoir réussi à mener une carrière cohérente dans un domaine qui m’intéresse. Pour mener à bien ce projet, je me suis considérée en termes d’individu doté de compétences et d’une personnalité. J’ai ainsi eu la chance de pouvoir concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Dans vos fonctions, avez-vous été surprise, voire heurtée, parce que vous étiez une femme ?
Les nouvelles générations de femmes s’en sortiront peut-être mieux mais quand j’ai commencé à travailler, il était risqué lors d’un recrutement de ne pas avoir d’enfant à 30 ans. À cette époque, les femmes ayant fait carrière avaient tiré un trait sur leur vie personnelle. Aujourd’hui, ce schéma n’a heureusement plus cours.
Néanmoins, il est toujours difficile de dépasser l’idée selon laquelle, pour réussir, nous devons investir plus d’énergie qu’un homme.
Si vous aviez une unique mesure à proposer pour plus d’égalité homme/femme dans le monde du travail quelle serait-elle ?
La mesure incontournable serait un salaire égal à fonction égale. Les quotas ne sont pas une solution. Ils font naître l’idée selon laquelle certaines promotions sont liées à la féminité.
Cependant, les mentalités évoluent dans le bon sens. Les femmes ont su prendre leur place. Dans le monde professionnel, nous sommes, avant tout, tous des humains dotés de qualités.
Dominique BOULANGÉ, Président directeur général du CMC Ambroise Paré, Pierre Cherest, Hartmann, Neuilly-sur-Seine (92), administratrice de la FHP-MCO
En tant que manager, quelle est votre plus belle réussite ?
Ma plus belle réussite professionnelle est la construction de notre nouvel établissement. Il répond aux exigences d’une prise en charge optimale en matière de sécurité et de confort des patients. Ce nouveau bâtiment, plus grand, propose 600 lits et places, 80 lits de soins critiques et 55 salles d’opération dont 10 salles réservées à la chirurgie interventionnelle. Un magnifique travail d’équipe et un projet bâti pour durer.
Dans vos fonctions, avez-vous été surprise, voire heurtée, parce que vous étiez une femme ?
Le cas ne s’est jamais présenté. Je n’ai jamais toléré, quoi qu’il m’en ait parfois coûté, ni écarts de langage, ni différences de traitement. Pour mes équipes, je suis la patronne. Elles ont certainement oublié que j’étais une femme… Exiger l’égalité ne souffre aucune concession sur ce que l’on est et ce que l’on pense.
Si vous aviez une unique mesure à proposer pour plus d’égalité homme/femme dans le monde du travail quelle serait-elle ?
Cette mesure serait sans aucune hésitation à diplôme égal ou compétences égales une parfaite égalité de salaire et de poste. Je souhaiterais un même respect, une considération identique sans que nous, les femmes, ayons besoin d’en faire plus que les hommes.
Crédits photos : Privé, Philippe Chagnon pour la photo de Clara De Bort