Accoucher du budget de l’État 2014 avec les mains prises dans un étau est sans nul doute un exercice très ardu. Mais au 1er mars, à la parution de nos tarifs, c’est à une césarienne que nous nous préparons… ou pour le moins à des maux de tête, qu’aucun tiers payant ne viendra financer. Justement, parlons-en. Au pays de « l’état providence », la responsabilisation de chacun faisait progressivement son chemin jusqu’au moment où notre ministre décide sans concertation aucune de faire passer les feux au vert et de généraliser le tiers payant. Cela permet en effet au patient de ne pas avancer l’argent au professionnel de santé qu’un tiers – sans doute inconnu ou mal identifié par l’opinion publique – paie à sa place selon un mode opératoire dont le coût, et la complexité n’intéresse personne, sauf les médecins. De l’instruction civique à l’envers en quelque sorte car le tiers payant ne veut pas dire gratuité. Pourquoi avoir sacrifié cette citoyenneté fragile sur l’autel du symbole politique ? Comme si le pays ne souffrait pas d’un déficit abyssal qui le mine. N’y avait-il personne pour rappeler que nombre de médecins proposent déjà librement le tiers payant à leurs patients en difficulté ? Le ministère de la Santé ne pouvait-il pas réserver intelligemment ce levier à la réflexion plus large sur le parcours du patient (service d’urgence, soins de première ligne, etc.) ? N’était-il pas plus sage de se concerter avec les professionnels de santé avant de faire crépiter les flashs ? Résultat ? Plus de 90% des lecteurs du Quotidien du Médecin (1500 répondants au sondage en ligne) sont opposés à la généralisation du tiers payant à tous les patients ; 88,5% des 950 répondants au sondage de l’UFML déclarent être prêts à participer à une action d’envergure par un arrêt d’activité pour le retrait de la généralisation du tiers payant. Autant dire que cette mesure ne passe pas du tout auprès de la profession médicale !
Rebondir de postures en annonces et de symboles en coups médiatiques ne constitue la feuille de route d’aucun ministère ni organisation. L’évaluation sanitaire et financière des réformes précédentes et coûteuses serait utile avant de s’engouffrer dans une nouvelle stratégie nationale dont nous n’avons aucune garantie qu’elle nous mènera bien quelque part. Séduisante dans les idées – parcours du patient, prévention, droits des patients – mais déplaisante, pour ce que l’on en sait, dans sa mise en pratique.
L’adage qui consiste à dire que la santé n’a pas de prix mais un coût, demeure toujours au top des classements du bon sens. La démonstration en 2012 de la Cour des comptes d’une économie de 7 milliards d’euros grâce à la mise en œuvre d’une convergence tarifaire entre les secteurs public et privé, et que nous répétons à l’envi, fait aujourd’hui son chemin, repris par d’autres, sur les plateaux télé. Pour optimiser ce coût, il faudra déjà le mesurer et il est fort dommageable pour les comptes publics de voir repousser à 2018 la généralisation de la facturation individuelle des consultations et séjours hospitaliers (hôpitaux et ESPIC) prévue déjà pour 2006. Et repousser à 2018… Autant dire que cela ne verra jamais le jour…
Tirons les leçons de notre histoire en prouvant que la France sait se réformer et n’est pas condamnée à faire la révolution en coupant la tête du roi.
Nous amorçons la période de turbulence des arbitrages du PLFSS 2014, restez connectés. Dans le dossier du tiers payant, les médecins et les établissements ne deviendront pas le tiers-état !