Entretien avec Marielle Guillaud, directrice de la clinique Pasteur à Royan.
- Dans la mesure où privé et public assurent une mission de service public, pourquoi l’hôpital privé ne doit pas être considéré comme un sous-traitant du public ?
La sous-traitance d’une partie des activités dévolues au service public peut être considérée comme une solution efficace pour réduire les dépenses de fonctionnement et assurer une plus grande transparence et un meilleur service aux usagers du système de soins, sans pour autant que soit réduit le périmètre d’intervention de l’Etat.
Toutefois, le public et le privé assurent tous les deux le service public. Dans le privé, nous accueillons tous patients sans restriction et nous assurons les mêmes missions que l’hôpital, pour les urgences comme pour des soins plus spécialisés et lourds. Plus de 30 % des pathologies lourdes (cancer, maladies cardio-vasculaires…) sont soignées par l’hospitalisation privée. Les patients qui bénéficient de la CMU (couverture maladie universelle) ou de l’AME (aide médicale de l’État) sont accueillis tant dans les hôpitaux publics que dans les cliniques et hôpitaux privés. La loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a officiellement reconnu l’exercice des missions de service public aux cliniques et hôpitaux privés. Ces établissements peuvent notamment former les jeunes médecins depuis quelques semaines. Cette reconnaissance conforte le rôle de l’hospitalisation privée dans les missions d’intérêt général.
Nous ne pouvons pas être considérés comme un simple sous-traitant, délégué du service public, mais comme un acteur à part entière et incontournable dans la santé.
- Comment cohabitent les deux systèmes ?
La coopération entre établissements de santé constitue une priorité de la politique nationale d’organisation des soins. Cette coopération peut prendre deux formes : les communautés hospitalières de territoire (CHT) et les groupements de coopération sanitaire (GCS).
Les CHT : elles ont pour objectif d’optimiser la qualité et l’accessibilité des soins sur un territoire donné en favorisant le développement de complémentarités et les rapprochements entre hôpitaux publics autour de projets médicaux. Les établissements privés ont été totalement exclus des CHT.
Les GCS : les groupements de coopération sanitaire ont pour objet de faciliter, d’améliorer ou de développer l’activité de leurs membres. Le GCS est l’outil de coopération privilégié dans le cadre des coopérations entre le secteur public et privé. Au-delà de son objectif d’unifier le dispositif de coopération et de favoriser le rapprochement entre le public et le privé, le GCS vise également à structurer l’offre de soins.
Notre établissement, la clinique Pasteur à Royan, est partie prenante d’un GCS de droit public créé en 2008 à titre expérimental, pour exploiter une autorisation d’activité d’urgences avec le centre hospitalier de Royan (initialement porteur de l’autorisation) et la polyclinique de Saint Georges de Didonne. La mise en œuvre a été complexe et fastidieuse. Elle repose nécessairement sur une volonté forte de l’ensemble des acteurs ou sur une pression tutélaire.
Le GCS « Urgences du Pays Royannais » a été érigé en établissement public de santé en avril 2010, il est donc strictement soumis aux mêmes obligations qu’un établissement : nécessité de conclure un CPOM, de faire fonctionner l’ensemble des instances, de se soumettre à la certification, etc.
Passés les éternels clivages et idéologies, les différences de cadre juridique, de système de facturation et de statut des personnels entre les deux secteurs alourdissent considérablement la mise en place du dispositif et constituent indéniablement des freins à la formalisation d’une coopération.
Dans l’idéal, le public peut être un partenaire du privé mais la réalité est que les coopérations se font le plus souvent au sein d’un même secteur.
- En quoi le privé peut apporter des solutions sur la structuration de l’offre de soins et consolider le système de santé ?
Les établissements de santé privés ont un souci d’efficience permanent pour assurer une gestion optimale des budgets de l’assurance maladie. Alors que l’hôpital public fonctionne avec une culture de déficit qu’il creuse régulièrement, les établissements de santé privés n’ont d’autre choix que d’être de bons gestionnaires. Il en va de leur survie.
Différents rapports (IGAS, assurance maladie,…) attestent que le coût pour l’assurance maladie d’un séjour dans un hôpital public est nettement plus élevé, en moyenne de 60%, que le même séjour dans un établissement privé.
Pour assurer la maîtrise des dépenses hospitalières, le levier principal demeure dans la convergence entre les tarifs des établissements de santé publics et ceux des établissements privés. Cette convergence s’avère incontournable au regard de l’obligation pour tous les acteurs de santé d’utiliser au mieux les ressources qui leur sont allouées.
Nous défendons vivement un tarif unique pour les deux secteurs, seule garantie de la consolidation du système de santé français.