Dan Vukelich, président de AMDR, association des industriels du reprocessing des dispositifs médicaux, basée à Washington
Quels seraient les principaux avantages pour les hôpitaux français si le retraitement des Dispositifs médicaux à usage unique (DMUU) était autorisé à la fin de l’expérimentation qui vient de démarrer*?
L’utilisation de dispositifs retraités permet de réduire les coûts, les déchets et les émissions de gaz à effet de serre. Elle renforce également la chaîne d’approvisionnement. Voici quelques précisions.
Les dispositifs retraités coûtent à chaque utilisation généralement entre 30 et 50 % de moins que des dispositifs vierges. L’entreprise de retraitement collecte les DM usagés qui échappent ainsi au flux des déchets, ce qui permet de réduire les coûts d’élimination et de réaliser des économies supplémentaires. Chaque dispositif peut être retraité un certain nombre de fois, après avoir été autorisé ou approuvé par les organismes notifiés de l’UE et conformément aux exigences du règlement relatif aux dispositifs médicaux.
Nous disposons d’un nombre croissant de preuves montrant que les dispositifs retraités réduisent considérablement les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’utilisation de dispositifs vierges. Huit évaluations du cycle de vie examinées par des pairs comparent l’impact environnemental des dispositifs à usage unique retraités par rapport à l’utilisation de dispositifs vierges. Ces études montrent une réduction moyenne de 41 % des émissions de CO2 grâce à l’utilisation de dispositifs retraités.
En utilisant des dispositifs retraités, les hôpitaux français pourront contribuer au renforcement de la chaîne d’approvisionnement, en conservant ces ressources hospitalières en Europe. Ils devront acheter et faire expédier moins de dispositifs vierges, ce qui signifie utiliser moins de matières premières et moins dépendre d’une chaîne d’approvisionnement internationale. La crise Covid a mis en lumière la vulnérabilité de la chaîne d’approvisionnement et rappelle aux hôpitaux français qu’il est souhaitable de retraiter autant que possible.
Quelles recommandations leur feriez-vous ?
Partout dans le monde, mais surtout en Europe, les gouvernements, les prestataires de soins de santé, les responsables des achats, des dispositifs médicaux et de l’approvisionnement se concentrent de plus en plus sur l’économie circulaire afin de réduire les déchets, les émissions et les coûts. Le Royaume-Uni par exemple, a pour objectif d’ici 2045 « d’abandonner tous les produits médicaux à usage unique évitables au profit d’un système circulaire fonctionnel ».
Cela nécessite des changements de mentalité à tous les niveaux. Pour les hôpitaux qui prennent des décisions en matière d’approvisionnement ou pour les prestataires de soins de santé qui choisissent les dispositifs médicaux à utiliser, la réutilisation, le retraitement, le recyclage doivent être privilégiés – dans cet ordre -, par rapport aux produits jetables, consommables et qui produisent des déchets. Le retraitement des dispositifs médicaux a fait ses preuves en matière de réduction des coûts et des déchets, et nous pensons que lorsque les établissements de santé commenceront à accorder un traitement favorable à ces produits, nous pourrons commencer à orienter l’ensemble de l’industrie vers la fabrication de produits plus durables, moins générateurs de déchets ou d’émissions.
Nous demandons donc à tous les acteurs qui s’intéressent à la réduction des coûts, des déchets et des émissions, ainsi qu’à la mise en place de chaînes d’approvisionnement plus résilientes, de s’engager et prioriser les dispositifs et équipements réutilisables ou retraitables. L’industrie devra ainsi s’adapter et proposer des produits éco-conçus selon le principe de l’économie circulaire.
Quels sont les derniers développements dans d’autres pays ?
Au niveau mondial, nos membres enregistrent une croissance de 55 % sur cinq ans, ce qui est un excellent indicateur de l’évolution du secteur. En 2023, nous avons desservi un nombre record d’hôpitaux et de centres chirurgicaux – 11 967. Nous desservons des hôpitaux dans 15 pays, dont l’Allemagne, L’Espagne, la Belgique, le Royaume-Uni, l’Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Croatie, le Danemark, le Portugal et l’Estonie.
Comme vous le savez, le gouvernement français a autorisé un projet pilote portant sur les dispositifs cardiologiques retraités (cathéters d’ablation et de diagnostic utilisés dans les procédures d’électrophysiologie), et j’ai entendu dire que cela se passait bien. Nous constatons une tendance positive et nous nous efforçons d’aider les hôpitaux d’un plus grand nombre de pays à tirer profit de l’utilisation de dispositifs à usage unique réglementés et retraités.
* Le retraitement des Dispositifs médicaux à usage unique (DMUU), prévu par l’article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024, fera l’objet dès cette année d’une expérimentation pour une durée de deux ans, mesure inscrite dans la feuille de route « planification écologique du système de santé » de mai 2023. (https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/retraitement-des-dispositifs-medicaux-a-usage-a3972.html?lang=fr)