Dr Emmanuel RICARD, médecin de santé publique, porte-parole pour La Ligue contre le cancer
Pourquoi les campagnes de dépistage sont-elles importantes et que dire de celle du cancer colorectal ?
Les campagnes de dépistage des cancers sont importantes puisque dépisté tôt le cancer offre une meilleure chance de guérison. Généralement dans la maladie cancéreuse, la tumeur initiale in situ est petite. Elle grossit, elle s’étend au système lymphatique puis les métastases colonisent les organes environnants. La prise en charge est alors plus complexe. Ce principe est vrai pour les cancers du col de l’utérus, du sein et colorectal, et le cancer du poumon.
Nous savons détecter tôt le cancer colorectal. Nous pouvons isoler et supprimer les tumeurs précancéreuses. Dans la majorité des cas, le cancer colorectal se développe à partir d’un polype qui lentement se cancérise. La suppression d’un polype supprime le terrain sur lequel le cancer colorectal se développe. Un geste possible grâce au dépistage.
Le dépistage consiste en la recherche de traces de sang dans les selles. Si du sang est détecté, une coloscopie sera réalisée afin de déterminer l’origine du saignement. S’il y a présence de polypes, ils sont retirés. S’il s’agit d’un cancer, la prise en charge dépendra de la taille et de l’extension des cellules.
Le dépistage offre la double opportunité de détecter mais aussi de supprimer le terrain sur lequel un cancer pourrait s’installer.
Seulement, 34,3 %* des personnes concernées ont réalisé un dépistage lors de la campagne 2021-2022. Quels sont les freins ?
Le cancer du côlon est peu sexy. Il consiste en la manipulation de selles. Il existe une sorte de répulsion à pratiquer l’examen. Pourtant un seul prélèvement tous les deux ans à partir de 50 ans est suffisant.
Pour pallier les difficultés d’accessibilité, le test de dépistage est disponible en pharmacie ou en ligne. De plus, les médecins traitants disposent de la liste des patients n’ayant pas réalisé le test. Ainsi, lors d’une consultation, ils peuvent tenir un discours incitatif.
Enfin, les freins économiques sont levés puisque le test est entièrement gratuit et il ne nécessite aucune consultation.
Cependant, la sinistrose et les difficultés économiques influent sur l’appréhension du résultat et l’attention portée à la santé. Cette dernière passe après d’autres priorités de logement et d’alimentation.
Quel discours tenir pour convaincre chacun de participer à la campagne de dépistage ?
On meurt encore du cancer colorectal bien que grâce au dépistage nous disposons de l’opportunité de le supprimer avant qu’il survienne. Un pourcentage trop élevé de personnes consultent tardivement pourtant à un stade avancé de la maladie, les chances de survie chutent de 90 % à 63 %*.
Pas assez glamour, Mars Bleu ne bénéficie pas de battage médiatique. Pourtant Mars Bleu serait l’occasion de rappeler qu’il faut proscrire les nitrites et que manger des fibres : pain complet, pâtes et riz complets, est une bonne manière de prévenir le cancer du côlon.
Les mutuelles, les facultés de pharmacie, collectivités conscientes de leur rôle en matière de conseil et de santé publique, se mobilisent aux côtés de La Ligue contre le cancer. Elles sont partenaires du Côlon tour, plus de 100 manifestations à visée pédagogique durant tout le mois de mars. Le show room en ligne propose une visite guidée virtuelle du côlon pour tous. Et puis, La Ligue contre le cancer se rend dans les quartiers où la participation est déficitaire.
Les invitations sont adressées par courrier, le compte Ameli ou l’Espace santé aux affiliés par l’Assurance maladie, la Mutualité sociale agricole et la MGEN. Les Centres régionaux de coordination des dépistages des cancers assurent le suivi des tests positifs : réalisation d’une coloscopie et éventuels traitements. De plus, 115 agents relancent individuellement par téléphone les personnes concernées. Espérons que l’évaluation des résultats de la campagne 2023-2024 soit positive.