Mathias DELEFLIE, Directeur général délégué, directeur médical groupe de santé Clinifutur (La Réunion)
Comment gérez-vous vos établissements de santé en outre-mer ?
Sur les îles, la coopération est fondamentale au maintien de l’offre de soins et de sa cohérence.
La population étant jeune et féconde, nous travaillons avec le CHU de Saint-Denis à une répartition optimale des naissances entre les secteurs privé et public. Nos urologues pratiquent la greffe rénale à l’hôpital, seul site habilité à le faire, et 80 % des prises en charge en dialyse en centres lourds se font sur nos sites privés de La Réunion et de Mayotte. En urologie pour pallier le manque de personnel, l’ARS a demandé à nos praticiens libéraux d’assurer une permanence de soins au CHU. À l’instar de tous, nous prenons en charge la population de nos territoires, cela signifie pour nous 40 % de patients en CMU (40 % en chirurgie et obstétrique sur notre établissement du Port et 30 % sur Sainte-Clotilde). Nous accueillons chaque année 1 500 patients en provenance de Mayotte en oncologie, radiothérapie, cardiologie interventionnelle.
Pendant la crise Covid, nos anesthésistes sont intervenus dans le centre hospitalier pour participer à la mise en œuvre des 120 lits de réanimation. Et nous avons, dans nos centres, accueilli les patients du CHU dans les soins continus et intensifs. Un de nos SMR accueillait exclusivement les patients positifs en sortie de médecine/réanimation du CHU. La gestion des lits disponibles, des anesthésiants, des ressources soignantes a été centralisée afin de satisfaire à la demande.
Comment contournez-vous les difficultés insulaires que vous rencontrez ?
Clinifutur, un des plus importants groupes privés de La Réunion qui propose les spécialités MCO, SMR et Dialyse, se porte bien, même si nous subissons la crise inflationniste des prix de l’énergie et des coûts liés à notre insularité. En termes de RH, pour faire face aux difficultés de recrutement et limiter le turnover, nous proposons des rémunérations attractives en compensation de l’éloignement géographique. Travailler dans les territoires d’outre-mer demeure une expérience de vie enrichissante. À nous de veiller à satisfaire les attentes de nos salariés en matière de qualité de vie au travail.
Nous disposons de 11 salles de bloc réparties sur la Clinique Sainte-Clotilde et la Clinique Saint-Vincent sur le territoire nord et 8 à la Clinique Les Orchidées sur le territoire ouest, pour répondre à la constante progression de l’activité de chirurgie. Pourtant, cette activité demeure déficitaire mais notre offre de soins étant solide, les activités excédentaires financent celles déficitaires que nous choisissons de maintenir.
Par ailleurs, nos établissements sont des terrains de stage attrayants puisque nous réalisons 80 % de l’urologie, 60 % de l’oncologie et 45 % de la cardiologie interventionnelle. Nous collaborons avec le secteur public pour accueillir des internes dans toutes les spécialités où nous sommes leaders. Notre centre de formation ENOVA, mais pas uniquement, fait que plus de 40 % des stages infirmiers de la Réunion se déroulent dans le secteur privé.
Concernant l’approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux, nous tenons compte des délais d’acheminement et disposons de 2 à 3 mois de produits stockés sur 2 000 m2 gérés par 6 personnes à temps plein. Seules les marchandises urgentes et fragiles, qui représentent 50 % de nos achats, sont transportées par les airs.
Quels sont vos projets ?
Mayotte est un territoire français vierge de 400 000 habitants dont l’offre de soins est en déshérence. Nous sommes très attachés à notre mission en santé sur Mayotte, c’est pourquoi nous développons un projet de clinique MCO sur l’île malgré des difficultés de taille : un foncier hors de prix, une absence de praticiens sur place… mais le projet est captivant.
La réforme des autorisations soulève le problème des seuils en cancérologie. Nous sommes en pourparlers concernant un partage des autorisations avec les autres établissements de santé du territoire. Ces négociations aboutiront à la signature de conventions et un adressage des patients afin de maintenir le panel complet d’offres de prise en charge.
Par ailleurs, 10 % de nos praticiens souhaitent faire de la recherche. Notre pôle de recherche clinique et innovation Clinifutur se démarque en oncologie et cardiologie et bénéficie de l’appui du GCS Santé Cité. Nous avons structuré ce pôle de la recherche en finançant notamment des postes d’attaché de recherche clinique.
Enfin, nous menons des actions en matière de politique RSE : nouveaux établissements HQE, couches lavables à la maternité, plateforme de mobilité participative pour les salariés, subvention pour l’acquisition de vélos électriques… Sur les sites des cliniques Sainte-Clotilde, Les Orchidées et Saint-Vincent, pour inciter le personnel à venir à vélo, nous proposons des vestiaires, des douches et un parc à vélos sécurisé. Nos bâtiments en construction ou en rénovation disposent de toits végétalisés et de panneaux photovoltaïques pour gagner une relative autonomie énergétique.