1,2, 3 Questions – Pr Pierre ALBALADEJO

Pr Pierre ALBALADEJO, président de la SFAR (Société française d’anesthésie et de réanimation), médecin anesthésiste réanimateur au CHU de Grenoble

Fin mars 2023, vous avez été réélu à la présidence de la SFAR. Sur quels sujets travaillez-vous actuellement ?

La SFAR assure ses missions qui sont principalement : la promotion de notre spécialité, le soutien à la recherche et la formation. C’est la société savante de tous les professionnels de l’anesthésie réanimation médecine périopératoire (intitulé de la discipline). La SFAR est ouverte aux médecins mais aussi aux IADE et aux IDE de réanimation. Elle est une des composantes du Conseil national professionnel, aux côtés des syndicats et du collège des enseignants.

La SFAR édite de nombreux référentiels professionnels afin de garantir la sécurité et la qualité des soins. Ainsi en mars 2023, la SFAR a publié des recommandations de pratique professionnelle sur l’organisation de l’anesthésie pédiatrique, afin de cadrer l’anesthésie des patients les plus vulnérables (enfants de moins de 3 ans). Ces recommandations, nées de discussions nourries, impactent l’organisation des établissements car l’anesthésie pédiatrique nécessite un encadrement spécifique.

Le comité des référentiels de la SFAR prépare plusieurs référentiels sur des thèmes majeurs pour la pratique, tels que l’antibioprophylaxie ou la thromboprophylaxie.
Parmi les sujets d’actualité, la téléconsultation d’anesthésie, expérimentée avant l’épidémie de Covid, est maintenant une pratique admise. Mais nous devons préciser le cadre de cette pratique afin de ne pas perdre l’intérêt de la consultation préanesthésique, dans le cadre d’un parcours périopératoire sécurisé.

Concernant les soins critiques, la SFAR au sein du CNPARMPO (Conseil national professionnel d’anesthésie réanimation et médecin périopératoire), a participé activement à l’écriture du décret relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité de soins critiques, publié en 2022. Les enjeux pour les parcours chirurgicaux sont majeurs, en particulier pour accompagner la chirurgie lourde. Des travaux doivent encore être menés avec la DGOS pour déterminer la place des USIP (Unités de soins intensifs psychiatriques) isolées et cadrer la place des « soins renforcés » pour l’activité périopératoire.

Nous souhaitons élargir l’offre de formation à la SFAR, pour les médecins anesthésistes réanimateurs évidemment, mais également pour tous les professionnels de l’anesthésie réanimation (IADE, IDE de réanimation). En effet, nous sommes persuadés que le travail en équipe est la prochaine étape pour la qualité et la sécurité des soins en périopératoire. L’attention accordée à la formation concorde avec la nécessaire certification périodique, obligatoire depuis le 1er janvier 2023.

Le soutien à la recherche est aussi l’ADN de la SFAR. Cette année, la SFAR a fait un effort financier exceptionnel en décernant des bourses de mobilité et contrats, à hauteur de 200 000 euros.

En matière de pénurie et de rupture d’approvisionnement, quelles sont vos propositions ?

En matière de pénurie et de rupture d’approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux, le comité analyse et maîtrise du risque de la SFAR collabore avec la Direction générale de la santé, notamment en proposant une méthodologie pour définir des médicaments et des dispositifs médicaux (DM) prioritaires. Cette démarche, initiée avant le Covid, a été mise en œuvre pendant la crise sanitaire, avec la problématique de la pénurie de propofol, curare et midazolam. La définition d’une liste de médicaments et de DM prioritaires, en collaboration avec d’autres sociétés savantes, fournit les arguments pour sensibiliser les industriels.

Les règlements européens mis en place en 2022 sur les DM créent des tensions pour lesquels nous devons proposer des solutions. Les problématiques de développement durable et de pénurie de DM sont liées. Nous serions favorables à une modification de la législation et de la réglementation permettant le retraitement des DM. Cette solution permettrait de résoudre partiellement les tensions sur les DM et participer à une réduction de l’empreinte carbone du soin. À ce titre, la SFAR a été précurseur pour promouvoir les concepts de développement durable dans le soin.

Quel est l’avenir de votre spécialité ?

L’activité de l’anesthésiste réanimateur et de médecine périopératoire offre une grande polyvalence. Elle s’inscrit dans un parcours patient qui requiert une organisation, un plateau technique, ainsi qu’une évaluation de la sécurité et de la qualité de la prise en charge.

L’anesthésie réanimation est actuellement la seconde spécialité la plus attractive pour les jeunes médecins. Les jeunes veulent faire du bloc, de la réanimation et de la médecine périopératoire, mais aussi s’occuper de la réhabilitation, de la préhabilitation. C’est pourquoi la SFAR, par son comité optimisation parcours patient, propose des stratégies pour répondre aux enjeux de la pré et réhabilitation qui impliquent une collaboration avec les opérateurs, chirurgiens ou médecins sur la nutrition, l’activité physique et le soutien psychologique. Nous avons énormément d’armes à déployer avec d’autres spécialités.