Dr Jean-Philippe MASSON, radiologue et président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR)
Vous avez été réélu mi-mars à la présidence de la FNMR, quelle continuité dans votre action ?
Nous poursuivons la mise en place de la concrétisation du plan pluriannuel axé sur la pertinence pour la radiologie. En 2018 nous avions signé un plan triennal, que nous n’avons pas pu renégocier en 2021 du fait de la crise du Covid. Sur ce point, nous refusons toute baisse tarifaire. Par ailleurs, nous voulons obtenir l’autorisation d’utilisation de produits iodés multipatients pour les scanners et IRM dans l’imagerie en coupes. Les radiologues sont prêts à acheter les produits de contraste – dont le budget global est estimé à 200 millions d’euros – en échange d’une revalorisation partielle des forfaits techniques.
Le projet d’utilisation de produits iodés multipatients est complexe à mettre en œuvre, bien qu’au niveau mondial, seuls la France et le Japon ne les utilisent pas. Le produit multipatients permet de diminuer la quantité de produits achetés, le gaspillage et le rejet des surplus dans la nature, puisque les produits monopatient sont conditionnés en 100 ml alors que nous n’utilisons que 60 à 70 ml par patient. Les circuits de distribution doivent être discutés avec la caisse d’assurance maladie et les laboratoires et ils nécessiteront entre 8 et 12 mois pour être opérationnels.
En matière de santé publique quelles sont vos propositions ?
Nous soutenons toujours le dépistage du cancer du sein et souhaitons promouvoir le dépistage du cancer des poumons par scanner basse dose. La France est un des rares pays développés où ce dépistage n’est pas opérationnel. Le cancer du poumon tue 33 000 personnes par an et toutes les études menées à l’étranger démontrent qu’il permet de récupérer 20 % de patients. Nous avons mis en place une formation au dépistage du cancer du poumon pour les radiologues, en commun avec la Société française de radiologie. Nous voulons former un maximum de radiologues pour pouvoir lancer les expérimentations que l’INCa réclame, afin de lever le frein principal bénéfices/risques de cette pratique. Nous craignons un frein économique à la généralisation de ce dépistage. La France doit procéder à des arbitrages et la définition de priorités dans la conduite de sa politique de santé publique. Les médecins formés pour prendre soin de la population doivent disposer des moyens pour mener à bien cette mission.
La radiologie fait-elle face à des difficultés dans l’organisation de son activité ?
Depuis 2018, nous œuvrons à éviter la financiarisation de l’activité de radiologie. Nous ne voulons pas que les centres de radiologie soient rachetés par des groupes financiers. Actuellement, 10 à 15 % des centres ont déjà été vendus à des structures financières. Une ordonnance promulguée en février 2023 (Ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées) durcit les règles et limite la détention de sociétés d’exercice libéral par des non-professionnels.
Ce sujet est travaillé en collaboration avec les jeunes internes, totalement opposés à la financiarisation de leur activité. Les rachats imposent systématiquement des obligations de résultat et des taux de rendement impossibles à respecter sans supprimer certains examens non rentables sur un plan financier, mais médicalement utiles. Nous avons besoin de ces examens pour la prise en charge des patients, cœur de notre métier.
Et puis nous collaborons avec le ministère de la Santé pour que les centres de radiologie disposent du statut d’établissement de santé, afin d’harmoniser les critères et de bénéficier d’une équivalence de traitement de la part des pouvoirs publics.
Un autre projet sera officiellement annoncé lors des journées françaises de radiologie, début octobre 2023. Nous inaugurerons une centrale d’achat pour permettre aux radiologues de bénéficier de tarifs compétitifs pour les produits et le matériel utilisés. La centrale d’achat sera une filiale de la FNMR dans laquelle la fédération restera majoritaire pour garantir son indépendance. Actuellement, la plateforme informatique est en cours d’élaboration.
Enfin, nous participons à la réécriture de la convention avec Avenir spé pour rééquilibrer et redynamiser le métier de médecin spécialiste. Certes, nous avons des revendications mais nous sommes toujours force de proposition.