1,2, 3 Questions – Dr Laetitia MAY-MICHELANGELI

Dr Laetitia MAY-MICHELANGELI,
Chef du service évaluation et outils pour la qualité et la sécurité des soins – HAS

L’HAS vient de publier les résultats 2022 des indicateurs de qualité et de sécurité des soins dans les établissements de santé (IQSS). Quelles sont les grandes tendances observées, celles qui nous réjouissent et celles qui nous alertent ? 

Avant toute analyse des chiffres, nous remercions patients et professionnels qui ont permis de réaliser ces mesures. Leur participation est indispensable à l’édition d’indicateurs de mesure et d’évaluation de la prise en charge clinique, de la coordination et de la prévention des risques infectieux associés aux soins. Ce recueil d’IQSS n’a pas vocation à établir un état des lieux exhaustif de la qualité des soins, mais a pour objectif de mettre à la disposition des professionnels des données objectives et actualisées, afin de les accompagner vers une amélioration constante de leur activité.

Les patients sont clairement reconnaissants envers les professionnels de santé puisque 80 % des patients en MCO et en SSR estiment bénéficier d’une bonne, voire d’une excellente, prise en charge. En chirurgie ambulatoire, ce taux de satisfaction est supérieur à 90 %. Les scores globaux augmentent régulièrement malgré le contexte tendu, ce qui démontre les efforts d’amélioration constants des professionnels de santé pour maintenir des soins de qualité.

Cependant tout n’est pas optimal. Nous espérions de meilleurs résultats sur la qualité de la lettre de liaison à la sortie du patient pris en charge en MCO que ce soit en hospitalisation traditionnelle ou en ambulatoire. Dans leur transmission vers la médecine de ville, 31 % des établissements n’atteignent pas le niveau satisfaisant. Plus précisément, le critère relatif aux traitements médicamenteux à la sortie est faible malgré les constats déjà faits les années précédentes

La prise en charge de la douleur en MCO fonctionne très bien que ce soit en hospitalisation ou en HAD mais pour la première fois pour les données 2021, l’indicateur de la prise en charge de la douleur en SSR (85 %) se dégrade de 1,2 point. Nous tirons la sonnette d’alarme car nous craignons que ce fléchissement se poursuive en 2022 du fait des tensions dans les établissements. De même, l’indicateur projet de soin, projet de vie en SSR se dégrade de 1,8 point. Ces chiffres sont certainement l’expression de problèmes d’organisation des soins que les professionnels doivent prendre le temps d’analyser.

En HAD, nous alertons sur deux indicateurs : la coordination de la prise en charge et le risque d’escarre. L’évaluation du risque d’escarre chute et confirme une tendance à la baisse déjà observée en 2019. Pour améliorer les pratiques mesurées par ces indicateurs, il est important de dégager du temps pour prévenir des complications qui sont très dommageables pour les patients et de veiller à ne pas passer au second plan ces actions qui sont trop rapidement dépriorisées.

Pour la première fois – dans le cadre de la maîtrise de la diffusion des bactéries multirésistantes aux antibiotiques et des micro-organismes à haut potentiel de transmission croisée – un indicateur précautions complémentaires contact qui évalue la prévention des infections associées aux soins a fait l’objet d’une mesure nationale. Nous espérons une évolution positive de cet indicateur actuellement à 28 %. Le Covid est certainement à l’origine de l’excellent score de l’indice de consommation des solutions hydro alcooliques, mais il n’est que le reflet indirect de l’hygiène des mains. En matière de prévention des infections associées aux soins des efforts conséquents doivent encore être faits.

Dans certains établissements, les résultats des indicateurs de complication en chirurgie orthopédique sont médiocres du fait d’une surutilisation de l’échographie doppler qui engendre des traitements sans raison et dont les conséquences chez le patient ne sont pas anodines. Ces établissements doivent s’interroger sur leurs pratiques.

Au fil des années, quels sont les freins à l’amélioration de la transmission et la qualité de la lettre de liaison à la sortie de l’établissement ?

Dans un monde hyper connecté, le dialogue n’est pas toujours de qualité. Ainsi, au sein d’un établissement, les données d’une lettre de liaison complète ne sont pas systématiquement assemblées. Certaines structures ont pris le temps d’organiser la transmission des données pour que cela fonctionne et elles y parviennent. Il est important que le patient sorte d’une hospitalisation avec l’ensemble des données relatives à son parcours de soins. Sans cela, la coordination entre médecine de ville et établissement de santé est impossible. Cette lettre est indispensable pour assurer la continuité des soins et rassurer le patient.

L’établissement doit penser à sa gestion des données pour anticiper la sortie du patient dès son admission ce qui est paradoxal car les temps d’hospitalisation sont de plus en plus courts. Tous les items des textes réglementaires doivent être rassemblés pour définir ce protocole. Et puis, nous faisons preuve de souplesse en acceptant que certaines données – telle l’ordonnance de sortie – soient simplement jointes et pas rassemblées dans un document unique.

Consciente de l’importance de cette continuité de la prise en charge, la CNAM a mis en place un plan d’action pour aider les établissements les plus en difficulté. Nous espérons beaucoup de cette mesure ainsi que d’un partage d’expériences entre établissements.

Que faut-il mettre en œuvre pour améliorer la prévention des infections associées, autres résultats insatisfaisants ?

Aujourd’hui, les résultats faibles de l’indicateur PCC (28%) sont expliqués par le manque de traçabilité de l’information donnée au patient sur la transmission des micro-organismes potentiellement pathogènes et résistants. Un effort est attendu de la part des établissements. Et puis, nous développons un nouvel indicateur relatif à la maîtrise de la transmission croisée qui positionne le patient au centre de l’évaluation. Nous allons étudier la perception de l’hygiène des mains par le patient et espérons provoquer un dialogue constructif entre soignants et patients. En lui donnant la bonne information et en le faisant participer à l’évaluation des pratiques, le patient devient acteur de ses soins.

Le recueil d’IQSS, réalisé une année sur deux seulement, laisse le temps aux professionnels de s’approprier les données, d’analyser les résultats et de mettre en place des plans d’actions. Au-delà de cette appropriation, la gouvernance des établissements doit se rapprocher des professionnels pour prioriser ensemble les actions à mettre en place. Ce travail de recueil et d’analyse des IQSS doit servir à avancer ensemble pour améliorer le service rendu aux patients.