Dr Jean-Claude PAUCHARD, membre de la commission DD de la Société française des anesthésistes réanimateurs (SFAR)
En quoi consistent les recommandations émises par la SFAR à l’automne 2022 ?
On estime que la santé en France pèse 8 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et le bloc opératoire, à lui seul, représente entre 20 à 30 % de ces 8 %. Chacun a un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique, et en premier lieu l’anesthésiste.
Le but des recommandations de la SFAR est d’éclairer les données environnementales de l’exercice de l’anesthésie. Nous apportons une expertise, une spécificité, des chiffres pour que chacun puisse faire évoluer sa pratique en maintenant qualité et sécurité des soins. Les recommandations de la SFAR résultent d’un travail collégial, que j’ai codirigé, et réalisé avec la Société française de pharmacie clinique et la Société française d’hygiène hospitalière. Ces recommandations ont pour but de réduire l’impact écologique du bloc opératoire et de l’anesthésie. Elles portent sur 3 champs : les gaz anesthésiants, les médicaments et les dispositifs médicaux.
Quels sont vos préconisations pour ces 3 champs ?
Pour ce qui est des gaz anesthésiants, l’éco-conception des soins consiste à diminuer les débits de gaz frais, de choisir les vapeurs d’anesthésie les moins polluantes (les gaz d’anesthésie sont de puissants gaz à effet de serre) et mobilise des technologies basées sur des algorithmes de distribution semi-automatique des gaz, qui divisent par 2 voire 3 les consommations de gaz et donc les émissions de GES.
Pour le médicament l’enjeu porte sur le gaspillage : en moyenne 38 % des médicaments d’anesthésie sont gaspillés. L’utilisation de seringues préremplies et/ou une préparation manuelle extemporanée des seringues juste avant leur utilisation s’avèrent plus écologique mais aussi plus économique.
Pour les dispositifs médicaux (DM) : usage unique ou multiple, la SFAR considère qu’il faut analyser pour chaque utilisation la balance bénéfices/risques en matière d’hygiène, de sécurité, d’économie, mais aussi dorénavant d’impact sur l’environnement. Au sein de chaque service, des études doivent être menées afin de déterminer le protocole le plus vertueux. De plus, les DM en plastique peuvent contenir des perturbateurs endocriniens : par exemple le phtalate de di-2-éthylhexyle (DEHP), responsable de problèmes de fertilité et de prématurité. Il est légalement interdit d’utiliser les DM contenant ce perturbateur endocrinien dans les services de maternité et de pédiatrie.
Outre l’intérêt écologique de cette démarche, quels autres bénéfices peut-on en espérer ?
Nous redonnons du sens à notre pratique et nous rassemblons tous les corps de métier de l’hôpital autour du sujet du développement durable qui fédère l’acheteur, le pharmacien, le technicien, l’administration et les soignants. Nous profitons du fait que les anesthésistes-réanimateurs disposent d’un levier d’action simple et probant comme la gestion des gaz d’anesthésie et d’une pratique qui est à la fois humaine, transversale et touche à tout.
Notre travail est scientifique, méthodologique et basé sur une littérature scientifique robuste, afin de déterminer de bonnes pratiques précises et claires. Elles sont déjà en ligne sur le site de la SFAR et bientôt publiées dans un journal scientifique à comité de lecture. Enfin, la SFAR participe au Comité européen de la Société européenne d’anesthésie et nous sommes reliés à la World fédération of societies of anesthesiologists (WFSA). Ce réseau crée une émulation.