Vincent Vesselle, directeur de la Polyclinique Saint-Côme à Compiègne, distingué en janvier 2021 au grade de Chevalier de la Légion d’honneur.
Qu’est-ce que cette distinction vous apporte, professionnellement et personnellement ?
Je ne m’y attendais pas du tout ! Je suis même un peu mal à l’aise à l’idée de recevoir cette distinction car j’estime n’avoir fait que mon travail ; lorsque l’on s’engage dans le secteur de la santé c’est aussi pour assumer des missions de service public et encore plus en tant de crise.
Nous avons été certes la première clinique de France à être impactée par la Covid-19 fin février 2020, 3 semaines avant les autres, avec les clusters de Crépy-en-Valois et du sud de l’Oise ; et nous avons été fortement impactés lors de cette première vague. Le premier décès a eu lieu le 25 février 2020 et 3 jours plus tard nous avions déjà des patients testés positifs dans notre service de dialyse. Les premières semaines ont été plus que délicates devant la méconnaissance de ce virus, devant des conduites à tenir imprécises ; et tout cela avec un emballement médiatique qui a provoqué de la panique et de l’anxiété.
J’ai passé 3 semaines non-stop à la clinique pour gérer cette situation, et dès le départ nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Centre Hospitalier de Compiègne afin de s’entraider dans la gestion de la prise en charge des patients Covid ; et avec le soutien des équipes de l’ARS. Nos établissements ont tous deux un service d’urgence, nous avons des spécialités complémentaires, il était donc évident que nous devions faire face ensemble, et travailler sur les flux de patients pour endiguer au maximum la propagation du virus. Nous avons dû ouvrir huit lits de réanimation et nous avons eu jusqu’à 50 patients Covid en hospitalisation.
Je prends au final cette distinction comme une reconnaissance de l’engagement du secteur privé et de ses professionnels car si j’ai pu gérer cette crise c’est grâce à l’engagement et au dévouement exceptionnel des équipes de Saint-Côme.
Pensez-vous que les managers en santé du secteur privé puissent apporter quelque chose de plus dans la gestion de la crise
Dans nos établissements, nous avons souvent des capacités d’adaptation plus rapides du fait de notre taille et de nos liens fonctionnels plus directs. L’activité médicale libérale peut permettre également une souplesse de fonctionnement et une mobilisation des équipes avec moins de contraintes structurelles. Mais au final c’est la synergie entre le public et le privé qui permet de faire la différence pour faire face à de telle situation exceptionnelle. On peut regretter que dans certains territoires cette synergie n’ait pas fonctionné suffisamment pendant la première vague et il faut espérer que nous saurons en tirer des leçons pour l’avenir et dépasser les dogmatismes et les freins qui peuvent parfois se voir entre les secteurs.
Quelle est la médaille qu’il faudrait inventer pour le secteur de la santé ?
Ce n’est pas des médailles qu’il faut mais une juste valorisation du travail des professionnels de santé. Avec le Ségur de la santé, l’État a commencé à mettre en œuvre cette reconnaissance que nous attendions depuis longtemps ; c’est plus que mérité et nous espérons que ce n’est qu’un début. Il est juste dommage qu’il ait fallu une crise de cette ampleur pour que l’on en prenne conscience.