Désengorger les urgences en apportant une réponse territoriale… Une bonne idée ?
Rappelons que les médecins généralistes libéraux participent déjà largement et sur tout le territoire à la permanence des soins ambulatoires (PDSA), aux heures de fermeture des cabinets. Dans mon département, en Mayenne, 91 % des médecins généralistes libéraux participent à PDSA, en tant qu’effecteurs et pour certains d’entre eux comme régulateurs, la nuit, les week-ends et les jours fériés. On ne part donc pas de rien et comme pour la PDSA nous devons, pour les soins non programmés, avoir une réponse collective et territoriale ! L’augmentation de la fréquentation des services d’urgences n’est pas liée à une absence de PDSA. Même lorsque celle-ci fonctionne bien certaines personnes préfèrent se rendre aux urgences. Quant aux Maisons médicales de garde (MMG) accolées aux services d’urgence, nous sommes sceptiques. Finalement ce n’est pas en fonction des besoins du patient qu’ils sont réorientés vers les médecins généralistes, mais en fonction de la longueur de la file d’attente aux urgences. Cela n’apporte rien au parcours du patient.
La Cour des comptes suggère la mise en place de structures dotées de plateaux techniques…
Les ARS voudraient que l’on mette en place des organisations spécifiques pour l’accueil des soins non programmés. Mais de quoi parle-t-on ? De 5 patients par jour ? Si c’est le cas, une Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) ou une maison médicale avec plusieurs médecins peut les prendre en charge sans problème. Mais s’il s’agit de 25 patients, alors nous avons besoin de temps infirmier, de secrétariat, etc. Certains utilisent les Maisons médicales de garde (MMG) lorsqu’elles sont dans les MSP, et les ouvrent à 8h au lieu de 20h. J’ai posé cette question à l’ARS il y a plusieurs mois – combien de patients par jour ? – et j’attends encore la réponse.
Pour nous, la vraie problématique est celle de la prise en charge des soins non programmés aux heures d’ouverture des cabinets. Si nous sommes débordés, les patients vont aux urgences. C’est particulièrement vrai en ce moment avec l’épidémie de grippe. La problématique des urgences est aussi liée au fait que nombre de patients n’ont plus de médecin traitant. Donc à la question de la démographie médicale et à celle de nos organisations qui deviennent inadaptées. Nous avons besoin d’une réorganisation en profondeur de nos modalités d’exercice. Les médecins généralistes ne veulent plus travailler autant (57H/sem. en moyenne) : c’est pour cela que le nombre de généralistes salariés augmente et que celui des libéraux diminue. Nous devons aussi revoir notre financement, parce que le modèle économique actuel de la médecine générale est inadapté aux prises en charge des patients polypathologiques. Pas étonnant là non plus que les jeunes médecins se détournent de l’exercice libéral, et que nombre de patients – y compris des personnes âgées ou en ALD – se retrouvent sans médecin traitant. Nous avons l’obligation de nous réorganiser, car nous ne pouvons pas revendiquer le rôle de chef d’orchestre des parcours de santé en laissant 10 % de la population sans médecin traitant. Cette situation est inacceptable pour les usagers et les élus. Elle doit aussi l’être pour nous.
Concrètement, de quoi avez-vous besoin ?
Nous avons besoin de dégager du temps médical, en déléguant aux assistants médicaux, aux infirmières et aux pharmaciens. L’objectif doit être la mise en place d’un exercice coordonné autour du patient. Cela se passe très bien sur le terrain, mais les transferts de tâches ne doivent pas être imposés de Paris. La téléconsultation est aussi un outil en devenir. En ce moment nos consultations sont embolisées par des patients grippés qui pourraient pour partie être pris en charge à distance. Quand j’effectue des régulations, dans le cadre de la PDSA, il n’y a que 25 % des patients que l’on envoie à un médecin effecteur. Le reste, ce sont des conseils, des ordonnances faxées, parfois l’envoi d’une ambulance. Autant de choses qui pourraient être traitées en téléconsultation.
Il faut aussi revoir notre mode de financement. C’est l’Assurance-maladie qui va devoir financer nos assistants médicaux : triste constat de se voir dans l’impossibilité de payer nos salariés avec les recettes issues de notre travail ! Le récent rapport Aubert plébiscite d’ailleurs le passage au forfait pour les consultations longues et complexes liées aux pathologies chroniques, qui sont de plus en plus fréquentes. Malgré nos demandes, 95 % de ces consultations complexes sont toujours rémunérées à 25 euros. Ce n’est plus acceptable. Soit ces consultations passent à 50 euros, comme nous le demandons, soit il faudra expérimenter les forfaits.
Ce sont les priorités du syndicat pour 2019, et de mon 3e mandat. D’abord, réussir les négociations conventionnelles sur les assistants médicaux et les communautés professionnelles territoriales de santé. Ceci nous permettra d’avoir de nouveaux outils et de mieux nous coordonner, y compris avec le secteur médico-social et les établissements de soins. Ensuite, faire évoluer le modèle économique de la médecine générale libérale, pour que notre spécialité médicale redevienne attractive auprès des jeunes.