Et si les barrières inhérentes à la télémédecine tendaient à se briser afin de libérer pour de bon cette pratique ? C’est peut-être le cas avec la publication d’un décret le 14 septembre 2018. Jusqu’ici réservé à une patientèle prioritaire, loin des centres médicaux et / ou atteinte d’une affection de longue durée, il est à présent possible pour le plus grand nombre de consulter son médecin à distance sans avoir à se déplacer et d’être remboursé par l’Assurance Maladie, en respectant néanmoins certaines conditions.
D’une télémédecine expérimentale à sa généralisation
L’usage de la télémédecine n’est pas tout récent . Avec la loi sur la réforme de l’hôpital et de l’accès aux soins des patients en juillet 2009, l’idée de déployer un système de consultation à distance a émergé. Afin d’identifier et de collecter des données médicales, notamment d’une patientèle localisée dans les lieux reculés, la télémédecine est rentrée en application dès 2011. À cette époque, ce modèle balbutiant posait question sur de nombreux aspects. Benoit Thieulin, responsable du Conseil National du Numérique à l’époque avait souligné ces limites dans un rapport remis à Marisol Touraine il y a quelques années : « Le principe de tarification à l’acte semble en effet plus adapté aux pratiques médicales individuelles et ponctuelles, qu’aux pratiques de télémédecine nécessitant des interventions régulières, diversifiées et impliquant parfois plusieurs professionnels ».
La seconde étape des expérimentations visant à résoudre ces difficultés et parfaire ce modèle s’est déployée en 2015. Le financement des actes de télémédecine a été testé dans 9 régions (l’Alsace, la Basse-Normandie, la Bourgogne, le Centre, la Haute-Normandie, le Languedoc-Roussillon, la Martinique, les Pays-de-la-Loire et la Picardie) afin de doter les maisons de santé, cabinets ou autres centres médicaux de la télémédecine pour mieux répondre à la prise en charge de patients de nature parfois complexe.
La troisième et dernière étape en date ayant mené à cette généralisation s’est produite en automne dernier à l’occasion du Grand Plan d’Investissement décrypté le 25 septembre 2017. Le Premier ministre Édouard Philippe y avait notamment annoncé un budget de 50 millions d’euros pour développer la téléconsultation pour renforcer la présence et répondre à la démographie médicale.
Les actes de télémédecine remboursés, mais sous quelles conditions ?
La télémédecine serait alors en passe de rejoindre les standards d’une consultation classique. En effet, ces actes médicaux à distance peuvent désormais être remboursés par la Sécurité Sociale, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Les patients devaient payer de leur poche généralement sous forme d’un forfait mensuel. Ainsi, depuis le 15 septembre 2018, la donne a changé, l’Assurance Maladie peut dorénavant prendre en charge financièrement la consultation, à condition de respecter deux prérequis :
- Le patient doit d’abord consulter son médecin traitant avant de se tourner vers un professionnel utilisant les services de télémédecine.
- Avant de recourir à ce type de pratique, le patient doit aussi avoir consulté le médecin en question au cours des douze derniers mois.
Cette configuration incite alors l’usager à passer par son médecin traitant ou un médecin qu’il connaît bien pour amorcer une téléconsultation. À partir de ce moment, elle est remboursée sur les mêmes bases qu’une consultation classique, à savoir 25 euros pour un médecin généraliste et 23 euros pour un spécialiste.
Le décret de septembre 2018 semble ainsi marquer un virage conséquent libérant la téléconsultation : Avoir fait sauter le verrou du paiement de l’acte de télémédecine va favoriser son développement. » (Laurent Flament, chef de la délégation départementale de l’ARS Deux-Sèvres.) Il est également à noter que cette pratique n’est pas vouée à remplacer la consultation classique : 10 à 20 % d’entre elles pourraient, in fine, être des actes de cette nature.
Mais afin de profiter pleinement de cette pratique, du chemin reste à faire. Pour l’heure, tous les médecins n’ont pas de solutions informatiques ni d’équipements adaptés pour proposer des actes de télémédecine. Sans parler de la crainte encore présente de l’Ordre des Médecins concernant la publicité et l’ubérisation de la santé par des plateformes gérées par des assureurs ou autres mutuelles de santé.
Sources
https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/essor-de-la-telemedecine-nous-sommes-a-un-virage