Dominique-Chantal Dorel, vous partez à la retraite après une longue carrière de 36 années à la FHP, quelles sont les évolutions de la profession que vous avez constatées ?
Heureusement, d’autres que moi ont aussi cette mémoire de la profession. Les groupes nationaux de cliniques sont arrivés comme moi en 1986, et étaient absents jusque-là. À cette époque également les PDG des établissements de santé privés étaient quasi exclusivement des chirurgiens, épaulés par des directeurs dont beaucoup étaient des ex-militaires. La dimension médicale était alors prépondérante mais entre les deux faces du même homme – médecin libéral et PDG – il pouvait y avoir conflit. Le modèle de financement de l’époque créait un lien très fort entre le praticien et la clinique, que la T2A a totalement coupé. Le secteur s’est aujourd’hui professionnalisé, c’est une bonne chose, et nous avons des gestionnaires à la tête des cliniques.
Par ailleurs, si les directeurs des cliniques demeurent comme hier discrets, protégeant le secret des affaires de PME parfois concurrentes, la parole du patient s’est en revanche révélée. En 1986, le patient face au médecin n’était pas écouté. Pour moi, dire que le patient est acteur de sa santé a un sens très fort. Il va au bloc debout et non plus couché, cette évolution est primordiale.
Des étapes vous ont-elles particulièrement marquée ?
Au fil des 5 présidences FHP et encore davantage de ministres, deux étapes m’ont marquée. Tout d’abord, du temps de Michèle Barzacq, la révolution de la chirurgie ambulatoire à l’initiative de l’hospitalisation privée. Louis Serfaty, président FHP s’est battu en interne puis en externe pour développer la chirurgie ambulatoire et a poussé un système d’échange des autorisations de lit d’hospitalisation avec des postes en ambulatoire. La deuxième étape est la mise en œuvre de la T2A sous la présidence de Max Ponseillé.
L’hospitalisation privée est-elle entrée dans une phase de maturité ?
Avec plus de 60 % de la chirurgie ambulatoire, on était d’égal à égal avec le secteur public, aujourd’hui il y a une stabilisation des parts. Le secteur privé a encore des points de développement en SSR, en psy, etc. mais notre place est aujourd’hui reconnue.
Durant le premier mandat de la présidence de Lamine Gharbi, nous avons vécu une période difficile où l’hospitalisation privée était remise en cause, c’était la période Touraine. Avec la loi HPST de Bachelot, nous avions enfin réussi à balayer la question du statut, heureusement avec Agnès Buzyn, je l’espère, nous revenons à ce schéma, c’est une évolution favorable.
Comment voyez-vous le secteur dans 36 ans ?
Je vois des établissements privés qui existent toujours avec en leur sein de la télémédecine, en satellite des centres de consultations, et qui entretiennent des liens forts avec la médecine de ville. Les cliniques au nombre de 1 600 sont aujourd’hui autour de 1 000 mais le poids du secteur demeure. La restructuration du secteur est quasi terminée et nous devons conserver des établissements de proximité.
Je vois également un attachement à la fédération car depuis le départ, 95 % des établissements privés sont adhérents. Ceci est un sens politique fort.
J’espère enfin que l’important sera l’efficience et la qualité et non plus le statut. Dès lors, les cliniques auront les moyens de défendre leur place. Je souhaite à l’hospitalisation privée d’être innovante. La réforme ministérielle de transformation du système de santé est en cours et le secteur privé va s’adapter comme il l’a toujours fait. Ce talent d’adaptabilité est constant.