Prenez le train européen !
A l’heure où l’Europe politique se désintègre, l’Europe de l’hospitalisation privée se structure. Les 14 fédérations nationales de l’hospitalisation privée qui composent l’Union européenne de l’hospitalisation privée (UEHP) fêtaient vendredi 26 février les 25 ans de l’organisation et signaient pour un nouveau quart de siècle, réclamant de concert « plus d’Europe en santé et plus de santé en Europe ».
Alors que l’Europe balbutiait encore, la France, l’Allemagne, la Belgique et l’Italie décidaient dès 1970 de s’unir pour défendre leurs intérêts, une démarche qu’intègrent rapidement les pays voisins. Quel que soit le poids de l’activité privée dans le pays, le manque de reconnaissance du secteur et l’iniquité de traitement sont partagés par tous. « Si la santé est une compétence nationale, l’Europe a son mot à dire. L’Europe de la santé est en mouvement et il faut que nous soyons moteur » rappelle le Dr Paul Garassus, le président de l’UEHP.
« Quand cessera-t-on de réfléchir de façon idéologique ? »
« L’Europe est orgueilleuse et veut soigner tout le monde. Nous devons travailler dans ce sens bien sûr. Quand l’économie est florissante et les bilans publics positifs, il n’y pas de problème relationnel entre les deux secteurs public et privé et personne ne s’interroge sur le coût des prestations » pose le Professeur Gabriele Pelissero, président de la fédération italienne (AIOP).« Mais quand arrive le contrôle de la capacité de chacun à produire des soins à un coût acceptable, cela devient plus difficile. L’excès de déficit devient un impôt. Est-il acceptable d’augmenter le poids fiscal pour tous pour payer le déficit des mauvais élèves ? Quand cessera-t-on de réfléchir de façon idéologique ? » L’Italie a fait de la transparence des déficits son cheval de bataille et argumente sur les 8 milliards d’euros d’économie qu’une gestion privée de la santé permettrait. « Nous voulons un véritable plan industriel. L’hôpital déficitaire devrait avoir trois ans pour redresser ses comptes, sinon il doit passer sous gestion privée ! La santé est un élément fondamental économique et social. Nous créons des emplois pour nos jeunes dans tous les pays. »
« Une violation évidente du libre choix des patients »
« Chez nous au Portugal, certaines structures ne méritent même pas le nom d’hôpital car elles ne respectent aucune norme » s’exaspère Ana Cesar Machado, juriste de la fédération portugaise (APHP). Les établissements de santé publics et privés à but non lucratif ne sont pas soumis à des normes de fonctionnement et ne subissent aucun contrôle qualité et sécurité. « Les normes de fonctionnement n’existent que pour le privé et nous nous noyons dans les méandres des décrets sur la typologie des portes ou la dimension des blocs. Le gouvernement fausse la concurrence et nous aboutissons à une violation évidente du libre choix des patients. » La fédération portugaise a fait un dépôt administratif de son argumentaire auprès de la Commission européenne et attend désormais de savoir de l’administration si cette plainte méritera un jugement ou pas…
L’Allemagne combat les aides illicites d’Etat
C’est sur le terrain juridique que la fédération allemande a décidé d’agir en se lançant dans un véritable marathon. « Nous avons un procès modèle, une sorte de feuilleton qui dure depuis des années et qui va être statué devant la plus haute instance juridique allemande au mois de mars 2016 » déclare Jens Wernick, avocat, conseiller juridique de la fédération allemande (BDPK). « Il s’agit du subventionnement d’un hôpital de la commune de Calw à hauteur de plus de 10 millions ces dernières années (2010 : 0,5 million, 2011 : 3,3 millions, 2012 : 6,2 millions, 2013 : 4,5 millions). Nous avions posé le problème au niveau européen, puis au niveau national mais nous pensons après plusieurs années que la solution ne peut être trouvée qu’au niveau européen. Chaque année l’hospitalisation privée en Allemagne paie 100 millions d’euros d’impôts qui sont utilisés pour couvrir les dettes des hôpitaux publics qui eux-mêmes sont exonérés d’impôts ! »
Le gouvernement espagnol a été débouté !
La fédération espagnole (FNCP) a bataillé avec son gouvernement qui a décidé d’imposer une TVA sur les actes chirurgicaux généraux, une taxe à destination des médecins et des cliniques. « Nous avons déposé un recours ! Nous avons argumenté que l’Espagne deviendrait l’exception en Europe et le gouvernement espagnol a été débouté » rappelle Cristina Contel, présidente de la FNCP.
Vers une défense commune
La France a reçu l’assentiment des fédérations pour revendiquer ensemble l’intégration de la notion d’efficience dans le dossier européen du bénéfice raisonnable (SIEG). « Il est nécessaire de décider d’une action commune devant le Parlement de Strasbourg pour faire évoluer le droit européen. L’absence de prise en compte de l’efficience est un élément discriminant » a plaidé Elisabeth Tomé-Gertheinrichs, déléguée générale de la FHP.
« Nous devons rester les uns aux côtés des autres. Unis, nous représentons quelque chose. Nous avons traversé des vagues de pessimisme et d’euro-optimisme. Aujourd’hui, le bureau a validé 10 axes de travail. Il faut désormais appuyer sur les pédales » déclarait Alberta Sciachi, ancienne présidente de l’UEHP et aujourd’hui en charge des relations internationales de la fédération italienne.
Outre une défense sans relâche des intérêts, l’UEHP rappelle au fil des consultations publiques et des colloques européens auxquels elle contribue, les missions d’intérêt public prises en charge par les cliniques et témoigne de la performance du secteur tourné vers l’innovation et la recherche. L’UEHP mise sur cet entrepreneuriat qui travaille au-dessus des administrations et crée le dialogue et la coopération devenus nécessaires à l’heure où les patients sont très mobiles.
« La santé est coûteuse mais précieuse » est venue rappeler Mariapia Garavaglia, ex-ministre de la santé italienne. « Je reconnais que notre Premier ministre ne parlait jamais de santé mais parce que la santé est un des secteurs qui amène le moins d’applaudissements. Votre lobbying m’a aidée à mieux comprendre vos enjeux. » Antonio Tajani, vice-président du Parlement européen a marqué par sa présence au séminaire, l’attention bienveillante qu’il porte envers l’hospitalisation privée européenne et dont il attend « l’engagement dans la nécessaire innovation des systèmes de santé ».
Prenez le train européen. L’UEHP lancera en 2016, « l’Europe en un jour », au programme : visite guidée au cœur de la machine européenne, participation à des actions de lobbying auprès de parlementaires européens, atelier pratique pour solliciter des fonds à l’échelle de l’Europe. A suivre…