3 questions à Dr Jacques Fribourg, médecin urgentiste, secrétaire général du Syndicat national des urgentistes de l’hospitalisation privée (SNUHP).
Comment définiriez-vous votre travail d’urgentiste dans le privé ? Le mot clé est partenariat. Partenariat entre les praticiens, l’établissement, le ministère de la Santé – soit la CNAM, les patients, etc. Tout le monde doit s’y retrouver. Lorsque nous avons décidé d’ouvrir un service d’urgences privées à l’Hôpital Privé de l’Ouest Parisien à Trappes, en 1985, nous avons commencé par chercher un partenaire, car la gestion n’est pas notre métier. Notre travail, c’est de sauver des vies. Un partenariat, c’est une relation très dynamique, bien différente de celle que l’on peut avoir à l’hôpital, où j’ai exercé 11 ans. Pendant ces onze années, je n’ai jamais été formé à la gestion. Les médecins sont maintenus dans l’ignorance quant au fonctionnement de l’économie de la santé. Dans le privé, il n’y a pas de hiérarchie, nous sommes tous égaux et nous devons tous être impliqués. Personne n’a le temps de se tirer dans les pattes.
Quelle est l’histoire du service d’urgences de Trappes ? En 1985, lorsque nous avons ouvert le service des urgences de l’Hôpital Privé de l’Ouest Parisien à Trappes, nous étions trois permanents, et trois remplaçants. En partant à Trappes, ce qui était sûr, c’est que notre motivation principale n’était pas de rouler en Rolls. Nous avions appris une super médecine, nous pouvions sauver des vies, nous avions besoin d’un partenaire et d’un plateau technique. Nous nous sommes donc jetés à l’eau. Bien sûr, nous avons commencé par soigner de nombreux patients gratuitement, Jamel Debbouze peut en témoigner ! C’est seulement 15 ans plus tard, en 2000, que nous avons été intégrés officiellement dans la carte sanitaire. Avant, nous y étions de facto. Aujourd’hui, nous sommes complémentaires de l’hôpital : nous sommes entre un médecin généraliste, et un gros service d’urgence public, car nous ne prenons pas en charge tous les patients, mais nous les accueillons comme l’exige la médecine d’urgence. Quoique, chez nous, tout se discute. Ce sont les avantages du partenariat.
Que pensez-vous de la nouvelle loi de santé ? Je ne comprends pas sa logique. La loi de Santé va coûter très cher, pour détruire un système qui marche bien. Ce n’est pas cohérent de supprimer des services efficaces qui sont moins coûteux pour la collectivité, pour favoriser des urgences publiques déjà engorgées. C’est une loi purement politique, sans aucune intelligence économique. Les urgences privées sont méconnues : j’ai participé à un groupe de travail sur le financement des urgences, et les experts n’avaient pas eu accès aux chiffres des urgences privées en France ! C’est dire si notre travail est rarement pris en compte. Pourtant, le privé prend en charge 15 % des urgences. Aujourd’hui, non seulement la loi de Santé est un manque de reconnaissance de notre travail, mais elle le met aussi en danger. Même si je pense qu’une grève à Noël est une très mauvaise idée, nous allons trouver des moyens de nous mobiliser.