1,2,3 Questions – Pr Jean-François DELFRAISSY

Pr Jean-François DELFRAISSY, président du Comité consultatif national d’éthique

Qu’avons-nous appris de la pandémie Covid-19 ?

D’abord, beaucoup d’humilité de la part des politiques mais aussi des scientifiques. Une crise sanitaire devient rapidement une crise sociétale, économique et politique. L’essentiel est de garder la confiance durant la gestion de la crise.

Nous avons observé que la première vague du Covid-19 était la plus violente, car nos connaissances étaient très limitées. Nous savons maintenant que les nouvelles techniques de conception des vaccins à ARN messager (ARNm) sont opérationnelles. Elles nous ont permis, en seulement six mois, de concevoir, fabriquer et tester un vaccin chez l’homme.

Les responsables politiques doivent intégrer le fait qu’une nouvelle crise sévère peut survenir et nécessiter des restrictions, voire un confinement comme celui de la première vague, tout en sachant qu’un vaccin peut être disponible contre ce nouveau virus dans un délai relativement court (moins de 6 mois). Ainsi la gestion de la première vague est fondamentale ; nous devons l’anticiper et y répondre sans attendre que le système de soins soit sous tension.

Le second enseignement est que la décision politique doit s’appuyer sur la science, en acceptant ses tâtonnements, ses doutes au début de la pandémie. Néanmoins, si des décisions « top-down » sont nécessaires au début de la crise, elles doivent rapidement laisser place à une explication claire et honnête des décisions. Préserver la confiance des citoyens, des scientifiques et des médecins doit rester une priorité.

Quelles sont les actions à mener pour anticiper de nouvelles crises sanitaires ?

La majorité des experts estiment que nous subirons de nouvelles pandémies en raison des changements environnementaux, des modifications des relations entre l’homme et l’animal et enfin de l’augmentation majeure du volume des transports mondiaux. Depuis la crise du Covid, le transport aérien de passagers a augmenté. Il entraîne, durant le temps du voyage, une promiscuité entre les passagers, favorisant la transmission d’agents infectieux alors même que les voyageurs se dispersent ensuite sur l’ensemble de la planète.

Cependant, nous ne sommes pas en mesure de prévoir la nature exacte de la prochaine pandémie. L’hypothèse d’un virus respiratoire de type grippal se transmettant par voie aérienne reste la plus probable. Face aux incertitudes, la meilleure réponse consiste, d’une part, à reconnaître qu’une nouvelle pandémie surviendra inévitablement et, d’autre part, à investir dans la recherche fondamentale sur des sujets qui n’attirent pas forcément l’attention des scientifiques, des politiques ou du grand public. En cas de nouvelle pandémie, nous aurons besoin d’une équipe de recherche fondamentale en virologie et en bactériologie ayant anticipé divers scénarios. Investissons dans la recherche fondamentale !

Or la France ne soutient pas suffisamment la recherche ni les jeunes chercheurs. Le pourcentage du PIB consacré à la recherche fondamentale est l’un des plus faibles de l’OCDE. Ce taux, récemment revu à la baisse, est une mauvaise décision. La France doit investir pour préserver une science destinée à guider les décisions du politique qui connaît mal la science.

Quelles sont vos craintes pour l’avenir ?

​​Les scénarios de la prochaine crise sanitaire sont multiples. Cependant, nous devons envisager le pire et anticiper des solutions pour chaque type de crise. Un exercice difficile, mais nécessaire. Nous ne devons pas exclure l’hypothèse d’un virus affectant principalement les enfants avec un haut niveau de mortalité, ce qui impliquerait des mesures de restriction radicalement différentes dans un contexte hautement anxiogène pour les familles.

Même si la crise du Covid-19 n’a pas toujours été vécue ainsi, elle fut une victoire de la science et des démocraties européennes. En moins d’un an, des vaccins ont été développés et fabriqués. Pourtant, nous observons, pour de multiples raisons, une perte de confiance partielle et espérons-le provisoire entre les citoyens et la communauté scientifique. C’est un enjeu majeur, la science doit rester une source de progrès.

Crédit Photo : Hamilton de Oliveira