Béatrice NOËLLEC, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale à la FHP
Vous êtes chargée des relations institutionnelles de la FHP, qu’observez-vous sur la question du genre ?
La question du genre est essentielle dans les organisations en ce qu’elle donne une grille et des clés de lecture indispensables pour comprendre et décrypter le monde dans lequel nous vivons. Aujourd’hui ce sujet complexe, qui ne saurait s’accommoder de représentations caricaturales, s’impose sur la place publique et fait l’objet d’études approfondies.
Dans le domaine de la santé, je distingue plusieurs enjeux : en premier lieu l’accès des femmes aux postes à responsabilités, car peu de domaines échappent au plafond de verre et celui de la santé ne fait pas exception.
D’autre part, la pénurie de professionnels paramédicaux – infirmiers, aides-soignants, etc. – qui sont dans leur large majorité des femmes, nous amène à reconsidérer la question de mixité des professions du soin et du « care ». La réponse adéquate serait de bousculer la vision essentialiste que nous avons sur le sujet et d’encourager également les jeunes garçons à s’orienter vers ces métiers.
Enfin, la FHP qui conduit une démarche de fédération à mission, a inscrit dans la déclinaison de sa Raison d’être la lutte contre toutes les formes de violences faites aux soignants, dont les violences sexistes et sexuelles dont le mouvement #metoohopital a participé à la mise au jour. Nous contribuons aux travaux du ministère de la Santé sur le sujet, et nous savons l’engagement des ministres actuels. Les adhérents sont aussi très engagés. De tels agissements dans des établissements de soin sont inqualifiables et c’est un combat sans merci qu’il nous faut mener, avec un mot d’ordre : tolérance zéro pour les violences.
Vous travaillez depuis plus de 20 ans dans le domaine du soin – ministère de la Santé notamment et depuis 10 ans la FHP – remarquez-vous des évolutions positives sur ces questions ?
Oui, une évolution certaine sur les enjeux de parité, de mixité, d’égalité qui font l’objet de davantage de considération dans l’espace public. Il y a une quinzaine d’années, je travaillais aux côtés de Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, qui s’était battue pour inscrire à l’agenda le sujet de la santé des femmes. C’était à l’époque un non-sujet et elle avait dû batailler. Aujourd’hui, on parle bel et bien des spécificités de la santé des femmes et je citerais la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, ou encore la mission parlementaire sur la ménopause menée par la députée Stéphanie Rist, qui font tomber de grands tabous. En médecine aussi, il est nécessaire de contrer les biais genrés, et je pense par exemple aux maladies cardiovasculaires qui nécessitent une lecture différenciée selon le genre.
Cependant, rien n’est jamais acquis sur la place et les droits des femmes. La marche actuelle du monde nous force à rester vigilants concernant leurs droits et à agir pour les préserver.
Vous venez d’être élue vice-présidente de l’Union européenne des hôpitaux privés (UEHP), est-ce que la modernisation d’une telle organisation passe par la féminisation de ses instances dirigeantes ?
Evidemment ! Je salue le Dr Paul Garassus qui a toujours été à l’écoute sur ces enjeux, et le nouveau président de l’UEHP Oscar Gaspar qui souhaite également en faire un marqueur de son mandat. Il y a désormais quatre femmes au Board et nous devons progresser en continu sur ces enjeux, avec également la secrétaire générale de l’UEHP Ilaria Giannico.
Dans les lieux où j’ai pu travailler (je pense notamment à l’Assemblée nationale), l’équilibre homme-femme est une condition sine qua non de l’efficacité et de la pertinence de toute organisation.
Devenir autrice, est-ce aussi un moyen pour une femme de prendre la parole ?
J’ai en effet publié un livre en 2024 intitulé « Une maison à soi* », et j’ai choisi ce titre en référence non voilée à l’ouvrage de Virginia Woolf, « Une chambre à soi ». Dans cet ouvrage fondateur pour la pensée féministe, elle dit que pour pouvoir exprimer un élan créatif, une femme a besoin « d’un peu d’argent » et surtout d’une « chambre à soi », entendue comme un lieu soustrait aux contingences domestiques. Un lieu où une femme peut écrire et exprimer sa pensée et sa création. Mon livre parle des lieux de nos vies. C’est un récit et non un ouvrage militant, mais il porte toutefois avec force cette idée-là.
*Une maison à soi, éditions Michalon