Le 27 janvier 2015 était publié le décret portant sur la mise en œuvre d’actes exclusifs des IBODE. Des voix s’étaient immédiatement faites entendre pour alerter sur les impacts délétères de ce décret, en termes de continuité de l’activité chirurgicale. En effet, ce texte en l’état était inapplicable faute de personnels disponibles sur le marché du travail, de formations adéquates et en nombre, et de financement des établissements de santé dédiés à cette fin. Des groupes de travail ont appelé, en vain, à la création de séquences transitoires.
Commençait alors une période ubuesque mettant en difficulté les médecins, les équipes soignantes, les directions, et générant des situations potentiellement conflictuelles au sein des blocs opératoires. Tous les établissements de santé de tous statuts se trouvaient déchirés entre le respect d’un texte inapplicable et la fermeture de salles chirurgicales, entraînant des reports de soins en masse et potentiellement la mise en place de listes d’attente.
La mission de service au public a prévalu : les établissements de santé privés ont poursuivi leurs activités chirurgicales pour force majeure, adoptant une position responsable, assumée et partagée.
Il aura fallu dix années, à six jours près, pour qu’un nouveau dispositif pragmatique, prenant en compte les réalités du marché du travail, soit acté. Un décret du 23 octobre 2024 et deux arrêtés d’application sur les autorisations d’exercice et les formations complémentaires du 21 janvier 2025, ont été publiés. Il aura fallu plusieurs recours auprès du Conseil d’État, portés par des syndicats médicaux et la FHP/FHP-MCO, s’appuyer sur l’enquête de 2023, réalisée et publiée par le ministère de la Santé, pour évaluer la situation sur le terrain, les capacités des établissements de santé et des écoles. C’est l’heure de remercier les équipes de la direction ministérielle de l’offre de soins d’avoir adopté une vision terrain pour définir les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles exigences dans le temps.
Le nouveau dispositif est déployé depuis le 22 janvier. Mettons-nous en ordre de marche – établissements de santé, préfectures, ARS, écoles d’IBODE – pour qu’il soit un succès, et avec un accompagnement financier adapté.
Surtout, tirons tous les enseignements de cette épreuve pour éviter de renouveler les erreurs du passé. La réalité ne se définit pas par des lois et décrets. Toute mesure nouvelle doit faire l’objet d’une évaluation de la situation présente, c’est-à-dire accepter les faits. Il faut préciser la cible, les moyens nécessaires pour y parvenir avec l’implication de toutes les parties prenantes, selon un calendrier pragmatique et réaliste, prenant en compte les capacités à faire et la nécessité d’assurer la prise en charge des patients.
Le sujet d’aujourd’hui est celui des ratios minima d’infirmiers et d’aides-soignants, à propos duquel les députés ont largement adopté la proposition de loi portée par des socialistes, et qui vise à généraliser des ratios minima d’infirmiers et d’aides-soignants dans tous les services. La HAS doit désormais définir ces ratios pour une pleine application qui doit prendre en compte une échéance réaliste, dans l’intérêt des professionnels de santé et des patients.