Marie DAUDÉ, directrice générale de l’offre de soins du ministère de la Santé et de la Prévention
Le Gouvernement s’est engagé dans la « simplification de la vie économique ». Dans le secteur de la santé, quelles sont les répercussions au niveau national ? et au niveau régional ?
En creux, votre question le laisse entendre : la complexité administrative et réglementaire peut en effet être un frein à l’efficacité. Pour les établissements et leurs équipes mais aussi pour les usagers, cette complexité peut se traduire par des délais inappropriés et des coûts supplémentaires. Et parfois aussi, par une perte de sens face aux missions premières. Dans le contexte budgétaire actuel, la simplification est donc une nécessité pour garantir l’accès aux soins de nos concitoyens dans les meilleures conditions, tout en améliorant les conditions de travail de l’ensemble des professionnels.
Quels sont les projets phares du secteur de la santé pour 2025 ?
L’action de la DGOS vise à rendre plus lisible et plus fluide l’organisation du système de santé pour tous ses acteurs, autour de plusieurs thématiques phares.
Sur la simplification de la charge administrative des équipes de soins (et plus spécifiquement le recueil de l’information médicale)
Les équipes soignantes consacrent une part trop importante de leur temps à la production de données médico-économiques, au détriment du temps de prise en charge des patients. Ce constat est partagé par le plus haut niveau puisqu’en janvier 2023, le président de la République a souhaité lors de ses vœux aux acteurs de la santé que l’on redonne du temps aux professionnels pour se recentrer sur leur cœur de métier.
C’est pourquoi nous avons initié, avec nos partenaires, le projet « Nouveau recueil », qui comporte trois composantes : « l’amont » préhospitalier pour définir le cadre et supprimer les demandes redondantes et non pertinentes, « l’aval » pour automatiser l’envoi des données extraites et enfin, « l’hospitalier ».
Pour ce dernier volet, il s’agit d’un projet de transformation des organisations dans le but de simplifier et d’automatiser le travail de production des données médico-économiques, en particulier pour les soignants. Il s’appuie sur une évolution des composantes numériques des SIH (en priorité pour ne donner une information qu’une seule fois) et bénéficie d’une IA générative pour automatiser le codage.
La conduite du changement a commencé mais doit être confortée et soutenue dans le temps. Nous pourrons nous appuyer sur la DNS pour les outils numériques et interfaces et sur les agences telles que l’ATIH, l’ANS et l’ANAP pour accompagner les établissements.
Sur la simplification dans les modalités de financement
Nous souhaitons développer des modèles de financement plus clairs et prévisibles, notamment pour les hôpitaux et les acteurs de ville. Cela inclut une révision des règles de tarification et de facturation, souvent perçues comme trop complexes.
La réduction des doublons dans les processus d’évaluation ou de contrôle des établissements est également inscrite dans la feuille de route de la DGOS. Un cadre unique pour les investissements hospitaliers a par exemple permis de simplifier la planification budgétaire et de rendre les règles plus claires.
Sur la simplification dans les autorisations d’activité de soins
La réforme des autorisations, qui a conduit à réviser le cadre réglementaire d’une quinzaine d’activités de soins en lien étroit avec les professionnels et les fédérations, est mise en œuvre depuis début 2024. Afin de limiter la charge liée à la mise en œuvre de la réforme – sans remettre en cause ses objectifs d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, d’intégration de l’innovation, de mise en avant des coopérations territoriales – la DGOS et la direction du numérique des ministères sociaux ont mis en place un SI avec un dossier unique gérant en dématérialisé et de bout en bout les demandes d’autorisations. Ce qui permet d’éviter les ressaisies et d’assurer une parfaite traçabilité des demandes.
Son déploiement a été réalisé tout au long de 2024 : l’outil a été enrichi à la suite des retours des établissements pour améliorer son ergonomie et constituer pour eux un véritable tableau de bord.
Sur la simplification administrative au service des organisations
La DGOS a travaillé avec ses partenaires pour développer de nouveaux outils de benchmark, et aider les établissements à se positionner en termes d’efficience des organisations, de positionnement territorial – entre autres grâce aux outils RepèrES et Soins et Territoires – et de promotion du retraitement comptable.
De nouveaux accompagnements des établissements sur l’évolution de leur organisation ont été construits. Une nouvelle approche a ainsi été développée par l’ANAP pour structurer des accompagnements dits « 360 » afin d’apporter aux établissements un appui terrain individualisé, couvrant la quasi-totalité des leviers d’organisation des établissements de santé : RH, finances, organisations médico-soignantes, développement durable, potentiel HAD…. Nous voulons que les marges de progrès opérationnelles qui seront identifiées fluidifient et simplifient les collectifs de travail tout en donnant des marges de manœuvre financières.
Les ARS ont vocation à se saisir pleinement de ce sujet : que ce soit pour renforcer leur analyse et leur stratégie locale – favorisant notamment le partage des expériences réussies – d’avoir une vision globale des organisations sur l’ensemble des territoires et d’alimenter ainsi les référentiels de bonnes pratiques.
Un chantier de simplification des normes administratives doit également être engagé pour redonner des marges de manœuvre aux hôpitaux. Cela, en levant certaines contraintes qui pèsent à la fois sur les dépenses et les organisations des établissements, à l’instar de ce qui a pu être fait pour les PME et le secteur privé.
Sur la pertinence des soins comme vecteur de simplification
Dans un contexte budgétaire contraint, il est impératif de s’assurer de l’efficience des financements et de la pertinence des actes et des soins. C’est en avançant sur ce sujet que nous pourrons dégager des marges pour desserrer la contrainte globale qui pèse sur le système. Il est donc indispensable de prendre à bras le corps ce sujet, avec des ambitions fortes portées par exemple par la convention signée avec les médecins sur la lutte contre l’antibiorésistance, la diminution de la polymédication, la limitation du recours aux analgésiques de niveau 2…
Au-delà des prescriptions des produits de santé, la lutte contre les actes inutiles ou redondants – en ville comme à l’hôpital – est au cœur de notre action. J’insiste sur le fait que chaque acte inutile faisant courir un risque de santé évitable au patient est un énorme gâchis : d’une part, de temps disponible chez les professionnels de santé (or nous en manquons) et d’autre part, de deniers publics. Là encore, la convention médicale signée récemment fixe des objectifs, notamment en imagerie et en biologie.
Enfin, dans le cadre du protocole de pluriannualité, la DGOS échange avec les fédérations d’établissements de santé pour fixer des objectifs sur d’autres leviers de pertinence. Qui pour beaucoup, sont aussi des leviers d’amélioration de la qualité et de la fluidité de prise en charge et du confort de vie des patients : poursuite du virage ambulatoire, orientation vers l’HAD, diminution des hospitalisations évitables…
Plus encore, il faut également travailler à mieux informer, sensibiliser les patients sur ces sujets de pertinence via des campagnes d’information grand public mais aussi à travers le dialogue avec les professionnels de santé. Chacun a un rôle à jouer pour que nous réussissions collectivement.