MICI : Quelles innovations dans les traitements basés sur la modulation du microbiome ?

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), comprenant la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, représentent un défi médical majeur en raison de leur complexité et de leur nature chronique. Parmi les nombreuses pistes thérapeutiques explorées, la modulation du microbiome intestinal suscite un intérêt grandissant. Nous vous apportons un éclairage sur le sujet.

Quelles sont les caractéristiques des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ?

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin touchent environ 200 000 personnes en moyenne en France. Ces pathologies regroupent la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Ces maladies, dont on ne guérit pas, évoluent par épisodes de poussées (crises) et de rémissions.

Lors des poussées inflammatoires, les MICI se caractérisent le plus souvent par : 

  • Une inflammation persistante du tube digestif ;
  • Des douleurs abdominales ;
  • Des diarrhées fréquentes, parfois sanglantes ;
  • Une atteinte de la région anale (fissure, abcès).

Ces différents symptômes génèrent par la suite, de la fatigue et parfois même de la fièvre. L’état inflammatoire et la malabsorption intestinale des aliments peuvent être responsables d’une anémie, de la présence de graisse dans les selles, de carences en vitamines et de protéines pouvant conduire à une dénutrition. Chez environ 15% des patients, les crises sont sévères : leur intensité peut imposer l’hospitalisation, un arrêt ponctuel de l’alimentation et un traitement par perfusion.

Si à ce jour, les causes ne sont pas clairement établies, certains facteurs déclencheurs peuvent toutefois favoriser leur développement comme :

  • Une prédisposition génétique ;
  • La pollution ;
  • L’alimentation ;
  • Le tabagisme.

Le microbiote intestinal, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes présents dans le système intestinal, joue aussi un rôle important dans la survenue des MICI. C‘est pourquoi, il fait l’objet de nombreux travaux de recherche et plus spécifiquement encore, le microbiome intestinal.

Qu’est-ce que le microbiome ?

On parle de « microbiote » pour désigner l’ensemble des espèces microbiennes présentes dans un environnement, et de « microbiome » quand il s’agit de l’ensemble des gènes présents dans ce microbiote. Ces micro-organismes jouent un rôle vital pour notre santé.

Comprendre le microbiome intestinal

Chaque patient possède un microbiome unique, influencé par des facteurs tels que la génétique, le régime alimentaire et l’environnement. Avec des milliards de micro-organismes appartenant à plusieurs centaines d’espèces différentes, le microbiome intestinal joue un rôle essentiel :

  • Il participe au processus de digestion.
  • Il interagit avec le système immunitaire pour réguler les réponses inflammatoires et protéger contre les pathogènes.
  • Il contribue au maintien de la paroi intestinale, empêchant le passage de substances nocives dans la circulation sanguine. 

Quels liens entre le microbiome intestinal et les MICI ?

Les maladies inflammatoires de l’intestin comme la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, sont étroitement liées à des modifications du microbiome intestinal.

Un déséquilibre du microbiome, appelé « dysbiose » se manifeste alors par une réduction de la diversité microbienne et une prolifération de bactéries pro-inflammatoires. Cela crée un cercle vicieux d’inflammation chronique et de dysfonctionnement intestinal. Ces déséquilibres exacerbent les réponses immunitaires, provoquant des lésions tissulaires et un entretien de l’inflammation chronique.

Les thérapies basées sur la modulation du microbiome intestinal

Les avancées scientifiques ont permis de développer des approches thérapeutiques innovantes pour corriger la dysbiose dans les MICI. Ces traitements se concentrent sur le rééquilibrage de la composition microbienne et sur l’amélioration de ses fonctions. Ils comprennent notamment :

Les probiotiques. Ces micro-organismes vivants, principalement des bactéries, apportent un bénéfice pour la santé lorsqu’ils sont consommés en quantité adéquate. Ils aident à rééquilibrer le microbiote intestinal, en améliorant sa diversité microbienne tout en limitant l’implantation et la propagation de microorganismes pathogènes. Bien que les probiotiques comme Lactobacillus et Bifidobacterium aient prouvé leur efficacité pour certaines affections, leur impact dans la maladie de Crohn reste limité. Cependant, pour la colite ulcéreuse, des mélanges comme VSL#3 (composé de 4 souches de lactobacilles, 3 souches de bifidobactéries et d’un Streptococcus salivarus thermophilus) ont démontré leur capacité à induire une rémission chez certains patients.

Les prébiotiques. Ces fibres alimentaires non digestibles, servent de substrat pour favoriser la croissance des bactéries bénéfiques. En cas de MICI, ils participent à l’amélioration de la composition microbienne. L’inuline favorise la prolifération de bactéries productrices d’acides gras à chaîne courte, comme le butyrate, connu pour ses propriétés anti-inflammatoires. Ils aident également à réduire l’inflammation.

La transplantation de microbiote fécal (TMF). Elle consiste à transférer le microbiote intestinal d’un donneur sain à un patient souffrant de dysbiose. Cette technique révolutionnaire a suscité un grand intérêt pour son potentiel dans les MICI. Dans le cadre de la colite ulcéreuse, plusieurs essais cliniques ont montré que la TMF peut induire une rémission chez des patients atteints de colite ulcéreuse réfractaire.

Les biothérapies de nouvelle génération quant à elles, permettent de concevoir des thérapies ciblant directement le microbiome.

  • Les bactéries génétiquement modifiées : Des souches bactériennes ont été modifiées pour produire des molécules anti-inflammatoires directement dans l’intestin. Publiés le 10 juillet 2024 dans la revue Nature, les travaux de la startup Eligo Bioscience ont notamment permis d’éditer précisément et efficacement le génome de bactéries du microbiome directement dans l’intestin chez un modèle murin. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour comprendre le rôle des gènes bactériens dans notre santé et développer des thérapies géniques ciblées pour les maladies liées au microbiome.
  • La phagothérapie : Cette technique consiste à utiliser des bactériophages (virus ciblant les bactéries) pour éliminer les bactéries pathogènes spécifiques, comme les AIEC impliquées dans la maladie de Crohn.
  • Le microbiote synthétique : Des bactéries bénéfiques cultivées en laboratoire sont en cours de test pour remplacer le microbiome dysbiotique.

Les thérapies basées sur le microbiome offrent une perspective novatrice pour le traitement des MICI, notamment en ciblant les causes sous-jacentes plutôt que les symptômes. Ces innovations, associées à une meilleure connaissance du rôle du microbiome, pourraient transformer la prise en charge des maladies inflammatoires de l’intestin. 

Sources :