Anne LESQUELEN chef du bureau de l’accès à l’innovation et des produits de santé (RI2) et Bast BIDAR, conseiller technique des risques techniques associés aux soins à la DGOS.
Mme Lesquelen, quels sont les enjeux de la sérialisation au sein des établissements de santé ?
La sérialisation du médicament est un dispositif de sécurité européen qui s’ajoute au dispositif de traçabilité. Elle concerne les médicaments soumis à prescription médicale obligatoire, sauf ceux de la liste établie à l’annexe I du règlement délégué n° 2016/161 et les médicaments à prescription médicale facultative figurant sur la liste établie à l’annexe II du règlement délégué.
Elle vise notamment à éviter l’introduction de médicaments falsifiés ou contrefaits dans la chaîne logistique d’approvisionnement, allant de la sortie de production à la mise à disposition dans les structures de soins (les fraudes au remboursement ainsi que les questions de pharmacovigilance et de pharmacoépidémiologie rentrent aussi dans le champ de la sérialisation). Depuis février 2019, ce dispositif est obligatoire, en application de la directive de 2011, et au vu des enjeux de santé publique en matière de qualité et de sécurité des soins au sein de l’Europe.
Aujourd’hui, les conditionnements non désactivés au sein des PUI (pharmacie à usage intérieur) sont encore majoritaires et représentent un risque de contrefaçon ou de falsification. Même si les contrôles de douane réalisent des saisies de médicaments contrefaits ou volés et démantèlent des trafics de médicaments, toutes les PUI doivent participer au processus de sérialisation.
M Bidar, comment se déroule la mise en place de la sérialisation au sein des PUI ?
L’organisme national de gouvernance France MVO a été sélectionné pour déployer le dispositif de sérialisation au sein des PUI et des officines. France MVO met en ligne sur son site les informations et les outils techniques qui permettent aux PUI de disposer des informations pour se connecter, s’enregistrer au niveau du répertoire national et de mettre en œuvre la sérialisation.
Depuis 2018, la DGOS accompagne les établissements dans le processus de sérialisation par la diffusion d’un guide méthodologique et de notes d’information. Par ailleurs, les réunions régulières avec les référents des ARS permettent d’échanger sur les difficultés rencontrées sur le terrain. Tous les mois, un état des lieux des PUI actives ou inactives est transmis aux ARS afin qu’elles rappellent aux établissements qui n’ont pas engagé la désactivation des médicaments, leurs obligations.
Au stade actuel de développement du dispositif, lorsqu’un établissement dispose de plusieurs localisations, la PUI pivot – qui irrigue les PUI satellites, – peut être référencée seule dans le référentiel national.
En France, 2 008 PUI sont concernées par la sérialisation. Parmi celles-ci, 96,5 % sont enregistrées auprès de France MVO, 90,3 % ont mis en place le système technique qui permet d’interroger la base nationale des identifiants déposés par les fabricants, et 73 % des PUI sont considérées comme actives ; car ayant réalisé à minima une désactivation au cours des deux derniers mois. La répartition entre les PUI publiques et privées est légèrement favorable au secteur privé.
L’ensemble des données chiffrées sont communiquées régulièrement au secrétariat général des affaires européennes (SGAE) et à la commission européenne (CE), très attentifs à l’avancement de la France.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les PUI ?
Les difficultés rencontrées sont notamment liées au process d’identification du pharmacien gérant auprès de France MVO, aux développements techniques à effectuer par les éditeurs de logiciels sur les équipements automatisés (automate, robot…). Enfin, la non mise à disposition du processus de consolidation pour la sérialisation par certains fabricants ralentit la mise en œuvre généralisée du dispositif.
Soulignons ici que la désactivation à la réception permet de protéger les médicaments mis en stock dans les PUI en facilitant la traçabilité en cas de saisie par les autorités judiciaires de médicaments volés.
Cependant, il demeure fondamental de s’engager dans la démarche pour enrayer les différents types de trafics dus aux réseaux illégaux de distribution du médicament. L’objectif est d’atteindre l’engagement de 100 % des PUI dans la sérialisation et de 100 % de boîtes désactivées. C’est pourquoi la commission européenne a exigé, depuis 2023, la mise en place d’un dispositif de sanctions pour les PUI. Même si la DGOS a souhaité retarder l’application de sanctions, celles-ci seront introduites dans l’arrêté de 2001 relatif aux bonnes pratiques de pharmacie hospitalière. Cet arrêté modifié sera bientôt soumis à la concertation des fédérations, des ARS et des syndicats de pharmaciens.