1,2,3 Questions – Pr Grégory KATZ

Pr Grégory KATZ, professeur à la Faculté de médecine de l’Université Paris Cité, titulaire de la chaire Value in Health, président de PromTime

Le New England Journal of Medicine Catalyst a publié en juillet 2024 votre étude sur la valeur que les patients attribuent aux PROMs versus PREMS pour évaluer une équipe médicale. Que dit-elle ?

Pour choisir une équipe médicale, 83 % des patients privilégient les indicateurs de résultats du traitement (PROMs) par rapport à l’expérience, c’est-à-dire l’accueil durant un séjour hospitalier (PREMs). L’étude a été réalisée en France, Italie, Espagne, et au Royaume-Uni, auprès de 998 patients atteints d’un cancer du sein, de diabète, de maladie inflammatoire de l’intestin, de dépression ou d’arthrite.[1]

Pour rappel, les indicateurs PROMs (“Patient-Reported Outcomes Measures”) mesurent le résultat du traitement en termes de récupération fonctionnelle du patient et de qualité de vie dans ses activités quotidiennes. Les indicateurs PREMs (« Patient-Reported Expérience Measures ») mesurent, quant à eux, la qualité de l’accueil durant un séjour hospitalier, notamment le confort du patient (propreté de la chambre, qualité de la nourriture, signalétique, etc.) ainsi que la communication avec les équipes hospitalières (information, écoute, explications cliniques, etc.).

Quels sont les enseignements de l’étude ?

Les enseignements se situent à plusieurs niveaux :

  • Les patients au sein de l’Union Européenne n’avaient pas été jusqu’ici interrogés sur les types d’indicateurs qu’ils privilégient pour choisir une équipe médicale ;
  • A priori, les indicateurs PROMs et PREMs peuvent paraître équivalents puisque les patients considèrent comme « très importants » les indicateurs de résultat (69,9 %) et d’expérience (58,1 %) ;
  • En réalité, l’écart est massif puisque 83 % des patients considèrent que les indicateurs de résultats (PROMs) sont « plus importants » que l’accueil (PREMs) pour choisir une équipe médicale ;
  • Ces observations sont statistiquement homogènes dans les quatre pays étudiés, pour les cinq pathologies analysées ;
  • Il existe un décalage manifeste entre la voix des patients qui privilégie les PROMs et les systèmes de santé qui valorisent les PREMs.

Les PROMs et PREMs ne sont-ils pas des frères jumeaux ?

Le débat de santé publique présente classiquement les indicateurs PROMs et PREMs comme des frères jumeaux que l’on pourrait confondre. Or l’étude révèle qu’ils n’ont pas du tout la même valeur aux yeux des patients pour qui le résultat du traitement (PROMs) prime très clairement sur la qualité de l’accueil hospitalier (PREMs). Cette fausse gémellité entre PROMs et PREMs est véhiculée par des expressions trompeuses comme « expérience patient » dans laquelle on range abusivement les PROMs, effaçant ainsi la nécessaire distinction entre l’accueil hospitalier et le résultat du traitement.

Cette confusion s’enracine dans un préjugé : la qualité de l’accueil hospitalier est corrélée au résultat des soins, ce qui est inexact. Aux États-Unis, le portail de Medicare-Medicaid – « Hospital Compare » – permet de vérifier qu’un hôpital champion sur l’accueil hospitalier n’est pas nécessairement champion sur les résultats des traitements, et inversement.[2] Notre étude confirme que, lorsqu’ils hésitent entre plusieurs équipes hospitalières, les patients recherchent avant tout un « résultat » c’est-à-dire une amélioration concrète de leur état de santé. Finalement, notre étude vérifie empiriquement les travaux de Michael Porter (Harvard) qui définit la valeur des soins comme « les résultats qui importent le plus aux patients » – c’est-à-dire les PROMs – rapportés aux coûts de l’épisode de soins.[3]

Comment valoriser les PROMs ?

En France, le dispositif d’incitation financière à la qualité (IFAQ) distribue depuis 2016 une enveloppe de 700 millions d’euros à travers laquelle les établissements sont notamment encouragés à mesurer les PREMs. Les PROMs ne sont pas valorisés. La situation pourrait évoluer puisque le rapport 2024 sur le financement de la qualité des soins (IGAS) accorde une place importante aux indicateurs PROMs, et recommande d’augmenter l’enveloppe IFAQ à un milliard d’euros.[4] La valorisation des PROMs peut s’articuler via des incitatifs économiques (financements) ou non économiques (visibilité). Dans tous les cas, la valorisation devrait encourager la comparaison des résultats entre équipes au sein d’une communauté de pratique qui favorise l’intelligence collective et la dynamique de nivellement par le haut.

Plus globalement, les PROMs permettent d’impliquer le patient dans les choix thérapeutiques tout en aidant les soignants à se comparer pour s’améliorer. Les PROMs peuvent s’intégrer dans les démarches de certification et d’excellence clinique. Ils permettent aussi de se démarquer dans les classements hospitaliers. Aujourd’hui, le classement hospitalier Statista-Newsweek valorise les PROMs dans sa méthodologie en attribuant un bonus aux établissements pionniers qui réalisent un audit externe de leurs données PROMs.[5] En France, l’association Consortium Résultat Patient propose désormais cet audit externe pour aider les équipes à progresser sur l’intégration des PROMs dans leur projet médical.[6]

Concrètement, quel est l’impact des PROMs en vie réelle ?

Sur le terrain, l’impact est à la fois rapide et important. Par exemple, le rapport 2024 de l’IGAS cite les résultats de l’expérimentation PromTime qui valorise la transparence des résultats de la chirurgie de la cataracte à travers la comparaison des PROMs entre chirurgiens (article 51).[7] Sur un échantillon de 3 500 patients pour lesquels les PROMs sont comparés entre des équipes publiques et privées, PromTime démontre que le confort visuel des patients s’est amélioré en moyenne de +15 % en 30 mois.[8] Inversement, les résultats ne s’améliorent pas lorsque les chirurgiens ne comparent pas leurs PROMs. En 30 mois, 42 % des chirurgiens déclarent avoir modifié leurs pratiques tandis que 27 % déclarent avoir changé leurs indications.[9] Fort de ce résultat, PromTime déploie des registres PROMs à l’échelle nationale pour le canal carpien, la maternité, la cataracte et l’audiologie. Ces registres PROMs sont pilotés par les professionnels (collèges, CNP) et les usagers (France Assos Santé), avec le soutien de l’Assurance maladie, des ARS et du Ministère de la santé. Les équipes qui souhaitent intégrer les PROMs dans leur projet médical peuvent rejoindre ces communautés de pratique en adressant un courriel à PromTime.[10]

Comment aller plus loin ?

En se formant à travers le diplôme universitaire sur les PROMs et le Value-Based Health Care délivré par la Faculté de médecine de l’Université Paris Cité.[11] Le DU sera disponible en français dès 2025. Pour aller plus loin, on peut aussi participer à la conférence internationale à Paris le vendredi 20 juin 2025 sur le thème « Valeur du Résultat Patient ». Accessible en français, les débats accueilleront 350 participants de 15 nationalités dans l’hémicycle du Conseil Économique et Environnemental, notamment les experts de Harvard, de l’OMS, OCDE, ICHOM, NHS, HAS, etc. L’événement est organisé par la Chaire Value in Health de la Faculté de médecine de l’Université de Paris. Les places sont limitées : inscrivez-vous ici.[12]