Pr Grégory NINOT, président de la Non-pharmacological intervention society (NPIS*), professeur à l’Université de Montpellier, directeur adjoint de l’Institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique de l’INSERM, chargé de recherche à l’Institut du cancer de Montpellier.
La Société savante des interventions non médicamenteuses (NPIS) a élaboré un modèle standardisé d’évaluation des interventions non-médicamenteuses (INM), quels sont les tenants et les aboutissants de cette démarche ?
Les pratiques non médicamenteuses que l’on retrouve dans les établissements de santé et médico-sociaux, et en dehors du cadre hospitalier, ne font pas aujourd’hui l’objet d’un cadrage strict, ce qui complique l’évaluation des services proposés. La NPIS a co-construit avec plus de 1 000 Français et sur deux années, un modèle standardisé d’évaluation pointant les invariants méthodologiques et éthiques adaptés aux INM. Le NPI Model comporte ainsi 77 recommandations. Ces travaux ont été présentés au Sénat le 6 octobre dernier, à la Haute autorité de santé le 7 novembre, puis l’Assurance maladie le 12 décembre. Ils font l’unanimité, nous n’avons rencontré aucune opposition.
Pourquoi le sujet des INM est-il si difficile à appréhender ?
Les INM font l’objet de nombreuses interprétations, notamment du fait de la diversité de l’offre, avec des pratiques rigoureuses qui coexistent avec des approches culturelles ou ésotériques. Certains les pensent comme des anti-médicaments, d’autres comme des médecines alternatives, des soins traditionnels, des remèdes naturels… Or, ces pratiques comme des régimes ciblés, des programmes de rééducation kinésithérapique, des programmes d’activité physique adaptée (APA), des psychothérapies, des protocoles d’hypnose, des programmes d’éducation thérapeutique (ETP)… dans un cadre médical, s’appuient sur la démarche scientifique et l’approche biopsychosociale développées dans le NPI Model. D’où l’importance de démontrer leur efficacité et de prévenir les amalgames et dérives que l’on peut observer en introduisant plus de transparence. Il s’agit d’informer les professionnels et les patients sur ce qui marche avant de les succomber aux chimères des réseaux sociaux.
Quels impacts ces travaux peuvent-ils avoir sur la pratique des professionnels ?
Le cadre scientifique établi va permettre d’identifier les INM efficaces dans un référentiel partagé. Les professionnels pourront ainsi choisir les INM à intégrer dans les parcours des patients selon leur cahier des charges et les suivre. Ce référentiel national de pratiques labellisées et codifiées en cours de construction par la NPIS indiquera le mode de remboursement de ces pratiques par l’Assurance maladie, les mutuelles et d’autres organismes. Cette plateforme harmonisée des pratiques facilitera également la recherche et la consolidation des connaissances et des bonnes pratiques.
Les formations médicales s’ouvrent de plus en plus aux INM, dans la mesure où elles sont prodiguées dans les équipes multidisciplinaires, et constituent des options supplémentaires et complémentaires aux traitements biomédicaux. La reconnaissance des INM permet leur intégration dans les formations initiales et continues.
Quels sont les projets, les prochaines échéances de la Société savante des interventions non médicamenteuses (NPIS) ?
En France, l’objectif 2024 est le lancement du référentiel des INM en collaboration avec les sociétés savantes partenaires, rhumatologie, endocrinologie, oncologie, gériatrie, neurologie, pédiatrie, psychiatrie… La NPIS programme pour la fin de l’année, le lancement des premières thématiques de santé. Les fiches présentant les INM sur un thème de santé seront accessibles sur une plateforme numérique aux usagers, aux professionnels et aux opérateurs, selon un langage approprié et vérifié. L’enjeu sera de faire connaître le modèle d’évaluation des INM des professionnels, universitaires, structures de formation. La NPIS a d’ailleurs lancé des formations continues pour sensibiliser les praticiens et les acteurs de la recherche à ce modèle standardisé.
En parallèle se dérouleront le colloque professionnel sur les INM contre l’obésité le 22 mars à Lille et le 12e congrès scientifique international des INM du 16 au 18 octobre à Paris. Enfin, la NPIS impulse depuis janvier un travail d’extension du NPI Model à l’échelle européenne qui devrait aboutir fin 2026.
*La société savante NPIS a été créée en 2021. Elle succède à la plateforme universitaire collaborative d’évaluation des programmes de prévention et de soins de support (CEPS) de 2011. La NPIS s’intéresse à l’évaluation des INM dont le terme a été inventé en 1975 par les scientifiques et repris en 2011 par la Haute autorité de santé.