Dr Philippe Bergerot, oncologue radiothérapeute, secrétaire général de la Ligue contre le cancer de Loire-Atlantique
Quels sont les prérequis à la prise en charge de la fin de vie dans les établissements ?
La maladie cancéreuse est rarement fulgurante, elle accorde du temps qu’il est nécessaire d’utiliser pour diffuser les informations et anticiper toutes les étapes de la prise en charge. Cette anticipation, menée par le médecin et le patient, est un élément clef dans l’accompagnement de la fin de vie.
La mesure 40 du premier Plan cancer de juillet 2002 incitait à la mise en place d’un dispositif d’annonce comprenant les médecins, les infirmiers et les assistantes sociales, destiné à présenter les modalités et les étapes de la prise en charge. Un temps pour la rédaction des directives anticipées doit être dégagé sachant que face à la maladie les patients ont l’impression d’être dans un tourbillon sans disposer des informations. C’est aux représentants des usagers et au personnel soignant d’informer, de discuter et d’échanger continuellement avec les familles. Dans le Plan cancer n°3 (2014 à 2019, mesure 7/15), la Ligue contre le cancer a introduit la notion de « patient ressource ». Ce dernier, formé par la Ligue, participe à la formation des étudiants mais aussi accompagne des patients durant leur parcours de soins. Ce dispositif favorise un échange entre pairs. Les patients ressource amènent le patient à réfléchir sur la rédaction des directives anticipées. Correctement rédigées, elles évitent beaucoup d’incompréhensions.
Quels efforts doivent être faits pour une meilleure prise en charge en fin de vie dans les établissements de santé ?
En France, les soins palliatifs ne sont pas développés comme ils devraient l’être. Peu de lits accueillent des patients en soins palliatifs car ils nécessitent une grande disponibilité du personnel et peu d’actes. Nous devons développer les soins palliatifs et en coordonner l’entrée pour éviter que les oncologues aient l’impression d’abandonner leurs patients. Préparer l’entrée en soins palliatifs est un service à rendre aux patients.
Simultanément, lors de l’entrée en soins palliatifs, nous devons trouver le moyen d’offrir aux aidants des temps de répit. Après le décès, certains aidants souhaitent être accompagnés, d’où l’expérience menée dans certains établissements de la consultation des endeuillés, pour que les aidants puissent rencontrer une personne de l’équipe pour reparler du décès.
Comment les parties prenantes doivent-elles appréhender la prise en charge en fin de vie ?
Les protocoles des soins palliatifs sont relativement réglés, cependant, les associations de patients et les établissements doivent ensemble défendre le droit d’aider à mourir et disposer des moyens d’appliquer ce droit. Le droit d’aide à mourir n’est pas une décision individuelle mais collégiale, et lorsqu’elle est prise, ce n’est pas au patient d’en prendre la responsabilité. Nous ne pouvons pas laisser un patient seul réaliser cet acte. Il doit être accompagné tout en accordant à ceux qui le souhaitent le droit de ne pas le faire.
Actuellement, un pan entier du soin – le palliatif et la fin de vie – n’est pas valorisé. Pourtant, lorsque l’accompagnement à mourir se passe selon la volonté de chacun, la sérénité est bénéfique à tous.