1,2,3 Questions – Martine AOUSTIN

Martine AOUSTIN, pilote de la mission T2A de 2004 à 2009, ex. DG ARS Languedoc-Roussillon de 2009 à 2015

Avec le recul, l’outil T2A a-t-il rempli sa mission ?

Oui, je pense que l’outil T2A a rempli sa mission, et la Cour des comptes le confirme dans son dernier rapport, en déclinant à la fois les apports, les impacts intéressants mais également les faiblesses de l’outil, apparues au cours du temps. Pour certaines, elles ne nous étaient pas inconnues lors de la mise en œuvre du dispositif. Mais il faut savoir que la T2A a succédé dans le secteur public à un dispositif de dotation globale, sans lien avec l’activité développée par les établissements et qui pénalisait les plus dynamiques. Aucun système tarifaire n’est parfait, mais sans nul doute, la T2A a été une grande respiration pour les hôpitaux.

La T2A a presque 20 ans aujourd’hui. Son modèle était robuste et le reste. Mais quel dispositif ne subit pas d’impacts en 20 ans pour répondre aux sollicitations et/ou aux aménagements souhaités ou nécessaires de la part de tous les acteurs, professionnels comme dirigeants et décideurs ?

Quels furent les atouts de la T2A ?

Le premier a été de réduire les inégalités de financement criantes entre les établissements, en inter-secteurs, mais aussi au sein d’un même secteur. La T2A a permis de résoudre progressivement ces différences. Désormais, le financement d’une activité est unique pour les établissements d’un même secteur. Cette harmonisation s’est faite sans grande difficulté. Nous avons beaucoup travaillé avec les fédérations et avons multiplié les simulations pour permettre aux établissements de savoir quel serait l’impact économique d’une montée en charge de la réforme qui s’est faite progressivement, sur plusieurs années. Nous étions tous d’accord pour dire que cet objectif était primordial.

Le second point concerne essentiellement le secteur public. La T2A a fourni des outils de pilotage et de gestion, comme la comptabilité analytique ou le pilotage budgétaire orienté recettes, grâce à la connaissance de l’activité. Ces principes étaient connus du secteur privé. Il fallait cette acculturation pour le secteur public.

Nous parlons aujourd’hui beaucoup de santé publique. Les distorsions de tarifs volontairement mises en place avaient cet objectif. Elles ont créé des incitatifs pour améliorer les prises en charge dans certaines pathologies tel le cancer, pour moderniser l’organisation des soins, et c’est le cas de la chirurgie ambulatoire, mais aussi d’autres sujets. Toute intervention sur le tarif entraîne un impact sur l’activité. La T2A a contribué à une augmentation et à une adaptation de l’offre de soins et à un meilleur service rendu. Dommage que la communication autour de la T2A n’ait pas suffisamment mis en exergue ces sujets.

Quelles sont les perspectives ?

Le covid, crise exceptionnelle, a nécessité la mise en place d’une dotation socle. Il ne faut sûrement pas en rester là. Aujourd’hui, il faut repenser un système qui fasse évoluer la T2A. Elle est perfectible, elle est agile, mais les pièces maîtresses doivent être conservées pour que nos concitoyens continuent à bénéficier d’une couverture de leurs besoins de soins.

Plus généralement, la crise dans laquelle se trouve l’hôpital aujourd’hui ne sera pas résolue en changeant de système tarifaire. La T2A est un bouc émissaire mais le contexte politique et social nécessite une réponse à la mesure de la souffrance du monde hospitalier. Une réforme est engagée. Espérons qu’elle répondra aux préoccupations du secteur sanitaire et qu’elle poursuivra la construction d’une offre de soins qualitative et ambitieuse.