1,2, 3 Questions – Emmanuel HARDY

Emmanuel HARDY,  Président UNIPA (Union nationale des infirmier.es en pratique avancée)

Qui sont les infirmier.es en pratique avancée (IPA) ?

La formation d’IPA correspond à 3 600 heures d’enseignement en pharmacologie, santé publique, sémiologie, sciences infirmières, éthique, analyse de pratiques professionnelles et recherche, réparties sur 2 ans et comprenant 6 mois de stages.

L’IPA est un nouveau professionnel de santé dont 70 % de son activité est de la pratique clinique : consultations, examens, anamnèse complète, et 30 % de l’analyse de pratiques professionnelles, de la recherche ou de la formation. Les fonctions attribuées à un IPA varient selon le lieu et le mode d’exercice, libéral ou en établissement. En soins primaires, un IPA fera plus d’accès aux soins et moins de recherche. À contrario, dans les établissements, un temps supérieur sera accordé à la recherche, l’analyse de pratiques professionnelles et la formation. L’IPA dispose des compétences nécessaires à la prise de décisions complexes, une approche holistique du patient, en collaboration avec les professionnels du soin, c’est pourquoi l’exercice isolé de l’IPA n’est pas souhaitable.

Sur le terrain, au sein d’une équipe de soins coordonnée, l’IPA fluidifie l’accès aux soins en proposant des consultations de promotion de la santé (prévention, éducation, dépistage) ou aux aidants. Cette plus-value a été démontrée par des études scientifiques menées à l’étranger*. Par ailleurs, les patients apprécient un temps d’écoute supérieur, ses capacités à analyser les déterminants en santé, les risques d’exposition professionnelle. L’IPA est donc une porte d’entrée supplémentaire dans le système de santé, un infirmier aux compétences élargies qui décloisonne les pratiques.

Se posera toutefois à l’avenir la question de la formation continue des IPA, démarche indispensable au maintien et à l’amélioration de ses compétences.

 L’UNIPA a mené une enquête auprès de ses adhérents qu’avez-vous observé ?

L’enquête menée repose sur des témoignages. Elle démontre que le diplôme d’infirmier en pratique avancée permet de travailler en ville, en établissement ou de mixer les pratiques. Le socle de connaissances est commun mais la pratique diffère selon le mode d’exercice, l’IPA s’adaptant aux besoins populationnels.

La formation d’IPA coïncide généralement avec un projet professionnel élaboré entre l’IDE et la direction ou le service dans lequel l’IPA sera affecté en sortie. Cependant en fin de formation, 32 % des personnes sondées dans le privé n’ont pas l’assurance d’avoir un poste à la sortie de la formation, du fait du changement de direction ou du personnel, ou d’un arrêt des financements dans le service concerné.

Par ailleurs, l’évolution de salaire ne correspondant pas à l’augmentation des responsabilités attribuées, certaines personnes titulaires du diplôme préfèrent rester IDE plutôt que de devenir IPA.

Enfin, il est parfois demandé aux IPA de réintégrer leur poste d’IDE pour pallier le manque d’effectifs et assurer la continuité des soins. Ce phénomène est délétère. Quel professionnel de santé, monté en compétences, accepterait de retourner à son poste d’origine sans s’épuiser ?

Vous avez engagé des discussions avec la FHP sur le statut des IPA, où en êtes-vous ?

Le statut des IPA n’étant pas défini dans le secteur privé, l’UNIPA a engagé avec la FHP des discussions qui visent une reconnaissance statutaire et salariale de la montée en compétences. Dans le secteur public, un IPA gagne 59 euros de plus par mois pour 2 ans d’études et des responsabilités accrues. Actuellement dans le secteur privé, les disparités sont importantes selon les établissements. Un cadre est aussi indispensable pour renforcer l’attractivité du métier.

La question du supérieur hiérarchique de l’IPA reste en suspens. Qui sera à même d’évaluer conjointement les compétences cliniques et transverses : formation, analyse de pratiques professionnelles ?

Pour aller plus loin :

LOI n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé

* Source : Laurant, M., Biezen, M. van der Wijers, N., Watananirun, K., Kontopantelis, E. et Vught, A. J. van. (2018). Nurses as substitutes for doctors in primary care. Cochrane Database of Systematic Reviews, (7). https://doi.org/10.1002/14651858.CD001271.pub3