Pr René-Charles RUDIGOZ, Professeur émérite des universités, membre de l’Académie de médecine
Quel est l’esprit général du rapport 2022 de l’Académie de médecine ?
Dans ce rapport, l’Académie de médecine s’est saisie du malaise des maternités et a souhaité réfléchir à leur avenir. L’Académie ne souhaite pas et ne propose pas la fermeture d’autorité des maternités qui comptent moins de 1 000 accouchements. Néanmoins, l’Académie où siègent des accoucheurs expérimentés est très préoccupée. Au risque de mécontenter, des aménagements doivent être décidés, nous ne pourrons pas continuer à faire fonctionner les 450 plateaux techniques d’accouchement français dans les conditions actuelles.
Quelles sont les ressources humaines dont nous disposons ?
Le collège des obstétriciens et gynécologues enregistre des chiffres paradoxaux. Le nombre d’obstétriciens gynécologues en formation augmente – du fait de l’augmentation des postes d’internes – mais seuls 50 % de ces futurs professionnels envisagent une activité d’obstétrique, à condition de n’effectuer que 5 gardes par mois, pas au-delà de 50 ans, si possible dans les maternités de type 2 et 3 et pour une longueur de carrière moyenne envisagée de 11 ans. Dans les faits, pour assurer une garde d’obstétrique, il faut 7 équivalents temps pleins or actuellement 40 % des établissements procédant à des accouchements ont moins de 7 équivalents temps plein.
Nous avons actuellement en France 23 451 sages-femmes en activité, mais beaucoup ne souhaitent plus travailler en salle d’accouchement, dont les conditions de travail sont peu attractives. Les pédiatres, les anesthésistes et les infirmières puéricultrices enregistrent les mêmes tendances, d’où des fermetures temporaires, voire définitives, brutales et non préparées de maternités.
Nous assistons par ailleurs en France, depuis plusieurs années, à une diminution sensible du nombre de naissances et simultanément à la fermeture de maternités – des secteurs privé et public – entraînant une concentration des naissances et une saturation des maternités de type 3 puis 2. Ces tendances s’accompagnent d’une crise d’attractivité des métiers de la périnatalité. Les établissements sont obligés de recourir à du travail intérimaire ce qui altère les conditions de sécurité des patientes et des enfants à naître. Le retour à l’intérim concerne 68 % des maternités de type 1 et 80 % des maternités qui font moins de 1 000 accouchements par an. Enfin, les indicateurs de morbidité maternelle grave et néonataux ne sont pas satisfaisants depuis quelques années.
L’Académie de médecine a entendu tous les acteurs de la périnatalité et en particulier les associations d’usagers dont les exigences sont parfois difficiles à satisfaire, voire contradictoires : lieu d’accouchement, nombre d’intervenants, possibilité d’une préparation à la naissance, participation aux décisions médicales, l’accès à l’analgésie…
Quelles sont les solutions envisagées ?
Il semble prudent et indispensable d’envisager le regroupement de structures d’accouchement afin d’assurer la continuité et la sécurité des soins. Cependant, cela doit s’accompagner d’une réorganisation des structures afin de maintenir une offre de soins de proximité pour le suivi de la grossesse, les échographies, la gynécologie de dépistage, l’orthogénie et le suivi de l’enfant. Il ne faut plus parler de fermeture de maternité mais de transformation avec suppression de plateaux d’accouchement.
L’Académie de médecine a testé le regroupement basé sur le nombre d’accouchements (1 000 en l’occurrence). Cela reviendrait à supprimer un quart des maternités. Le pourcentage de parturientes vivant à moins de 45 minutes de la maternité passerait alors de 98 % à 47 %, et les difficultés d’accessibilité dans les régions déjà sous dotées seraient accentuées. Nous risquerions d’entrer dans un cercle vicieux de chute de la natalité, par manque de lieux de naissance. Le nombre de naissances n’est, bien entendu, pas l’unique critère à prendre en compte.
Certaines régions mettent en place des groupements périnataux de territoire. Des centres périnataux satellites de premier recours travaillent alors en collaboration très étroite avec une maternité de référence : personnel commun, dossier unique et transferts par le Samu anticipés. Simultanément, les maternités de taille importante doivent se réorganiser afin d’améliorer l’accueil des usagers et l’attractivité des professionnels.
Pour répondre aux attentes des parturientes et de leurs conjoints, des zones physiologiques au sein des grosses maternités pourraient intégrer les maisons de naissances. L’Académie de médecine n’étant pas favorable au développement de maisons de naissances indépendantes.
Enfin, assurer la continuité des soins est un exercice complexe qui ne peut être envisagé sans une augmentation des effectifs, pour une prise en charge humaine et de qualité.