Dominique JOSEPH, Présidente du Groupe santé & citoyenneté du CESE et secrétaire générale de la Mutualité Française
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) préconise une modification de la loi pour affirmer qu’en fin de vie, le droit à l’accompagnement soit ouvert jusqu’à l’aide active à mourir. La rédaction de cette phrase si simple à prononcer a coûté de nombreux mois de travail et donne lieu à 13 préconisations. Que doit-on retenir ?
Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Ce principe n’intègre pas, pour le moment, l’aide active à mourir. C’est pourquoi, notre réflexion s’est attachée, dans un premier temps, à la réalisation d’un bilan de la loi de 2016 et à la formulation de préconisations pour une pleine application de la loi Claeys-Leonetti, notamment en matière de soins palliatifs. Pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins palliatifs ou lever les questionnements des équipes de soignants, nous avons auditionné des professionnels de santé – soins hospitaliers, de réanimation et palliatifs – et rappelé l’importance d’une information claire et exhaustive, notamment sur les directives anticipées et la personne de confiance. Même si le souhait clairement énoncé de la personne et le regard porté par le professionnel de santé coïncident, la décision doit demeurer la plus collégiale possible. Nous préconisons pour cela de développer la culture des soins palliatifs aux formations initiales des médecins, infirmiers, aides-soignants et autres paramédicaux. Le soin palliatif n’est pas le soin du dernier instant.
En réponse à l’évolution sociétale actuelle (isolement, inégalités d’accès, délitement du lien social, manque de temps pour l’accompagnement, surmédicalisation des derniers moments de la vie…), face à un système de santé défaillant par manque de professionnels et en raison des restrictions budgétaires, pour éviter tout risque de déviance il est indispensable de réintroduire une dimension humaniste dans une société que nous voulons solidaire, inclusive et émancipatrice.
Quel a été l’équilibre le plus difficile à trouver ?
L’objectif a été de veiller à ce que la parole du citoyen soit considérée au même niveau que celle des professionnels et réciproquement, en réponse au sentiment d’impuissance exprimé par l’entourage par rapport au « poids du sachant ».
Nous avons également veillé à respecter le libre choix de chacun, patients comme professionnels de santé. Cet équilibre subtil se trouve dans le dialogue entre patients, entourage et professionnels de santé. Il se construit en dehors de tout sentiment de domination.
La préconisation n°11 aborde le sujet de cette recherche permanente d’équilibre, de solidarité pour le droit des personnes atteintes de maladies graves incurables, en état de souffrance physique, psychique, insupportable et inapaisable, à demander une aide active à mourir, le suicide assisté ou l’euthanasie. Cette requête s’inscrit au même niveau que le droit des professionnels de santé à refuser en faisant valoir la clause de conscience prévue par l’article du code de santé publique, assortie d’une obligation d’information et d’orientation des patients et de leur prise en charge par une ou un autre professionnel. Cette réciprocité a été le postulat de départ. Nous définissons une ligne de crête qui respecte tout le monde et accompagne le libre choix de fin de vie.
La Convention citoyenne a remis un rapport au Président de la République. Ce rapport a nourri l’avis du CESE que nous portons auprès des législateurs et des ministères concernés. Notre ambition est de répondre à l’ensemble des besoins en matière de soins palliatifs et du système de soins en général afin d’être en capacité d’anticiper les besoins futurs, notamment en raison du vieillissement de la population. C’est pourquoi nous réclamons un rattrapage sur le déploiement des soins palliatifs, nous refusons que par défaut de soins palliatifs l’aide active à mourir devienne la seule option. L’acculturation de la fin de vie dans les communautés professionnelles et la société est essentielle. La fin de vie s’inscrit dans le continuum de la vie. Nous parlons insuffisamment de la mort alors que nous allons tous mourir. Nous sommes tous égaux devant la mort, mais inégaux devant l’accompagnement en fin de vie. Nos travaux nous ont ainsi conduits à sortir du seul périmètre de la santé et à avoir une réflexion sociétale et philosophique.
Qu’est-ce qu’une société solidaire, inclusive et émancipatrice ?
Solidaire parce que la fin de vie ne doit pas être un moment solitaire pour la personne, les professionnels de santé ou les aidants. Nous avons tous une responsabilité, un rôle à jouer dans cette solidarité.
Inclusive parce que nous devons intégrer toutes les parties prenantes en réfléchissant notamment à la vulnérabilité de certaines personnes.
Émancipatrice, parce que le libre choix doit s’exprimer clairement sur la base d’informations partagées et exhaustives. Nous insistons sur la rédaction des directives anticipées et le dialogue avec le médecin. Le temps du médecin doit être prévu en amont et reconnu via un forfait spécifique. Chacun doit disposer des mêmes moyens et du temps nécessaire pour exprimer son choix sans avoir le sentiment d’être acculé à la dernière minute. Ce postulat est issu de l’expression, lors des débats, des inquiétudes relatives à l’aide active à mourir.
Nous aspirons à une société solidaire, inclusive et émancipatrice pour que ce droit de choisir sa fin de vie s’exprime pleinement, de manière juste et mature. Une société solidaire, inclusive et émancipatrice est-elle l’effet, la conséquence, le fondement ou le postulat de ce droit ? L’avis du CESE sur la Fin de vie, a été adopté | Le Conseil économique social et environnemental (lecese.fr).