1,2, 3 Questions – Docteur Éric HENRY

Docteur Éric HENRY, Médecin généraliste et président de l’association Soins aux professionnels de santé

Quelle est la raison d’être de l’association Soins aux professionnels de santé ?

Depuis les années 2000, les restructurations du secteur de la santé ont mené à une concentration et une rentabilisation de l’offre de soins, au détriment des équipes soignantes. C’est pourquoi en 2015, pour leur venir en aide, l’association SPS, Soins aux professionnels de la santé, a été créée. Le soin du soignant est crucial et le non-respect du soignant déstabilise l’ensemble du système de soins.

Et puis en 2017, la notion de qualité de vie au travail a posé la question de la santé mentale des soignants. Chacun s’est alors interrogé sur le sens à donner à sa vie professionnelle.

Pour quels types de problématiques êtes-vous sollicités ?

Le danger principal auquel nous devons faire face est le risque de suicide. Cependant, les raisons du passage à l’acte dépendent de la période.

La crise du Covid a entraîné une surexploitation des personnels en réanimation notamment. Lors de la réouverture des blocs opératoires, ces mêmes personnes ont repris leurs activités et ont dû rattraper le retard du fait des déprogrammations. Épuisées, elles refusent les cadences imposées et désertent le secteur du soin. Ces désaffections engendrent des difficultés organisationnelles pour l’ensemble des équipes. De plus, les jeunes soignants réfutent le modèle de santé proposé. Ils veulent choisir leur rythme et leurs conditions de travail.

Actuellement, les sollicitations pour des problèmes de management sont nombreuses. Les soignants ne supportent plus les décisions imposées par une hiérarchie qui ignore la réalité du terrain.

Et puis, les groupes WhatsApp ou autres sollicitent les personnels en permanence, sans respect de la vie privée, alors que les soignants ont besoin de temps de déconnexion efficace. Il existe des organisations que nous avons mises en œuvre, dans lesquelles un coordinateur gère les plannings selon les disponibilités et les envies de chacun. La réintroduction d’un échange direct via un humain et respectueux de tous, permet d’avancer en évitant cristallisations et tensions.

En matière de santé mentale, les sollicitations les plus alarmantes proviennent des étudiants en formation infirmière. Durant leurs stages, certains élèves sont insultés, délaissés et humiliés. C’est inacceptable.

Comment améliorer la situation ?

La transversalité, le respect de toutes les parties prenantes pour restaurer la satisfaction d’un travail bien fait. À tous les niveaux, les équipes doivent être impliquées et se rencontrer pour comprendre les attentes de chacun afin de définir l’organisation optimale. En ville, les CPTS (Communautés professionnelles territoriales en santé) proposent aux personnels : médecins, infirmiers, pharmaciens, assistants de vie, la mise en commun des compétences pour organiser la prise en charge sur un territoire. Les établissements pourraient s’en inspirer afin de définir une charte du travailler ensemble. Vue de l’extérieur, cette démarche semble tellement évidente et pourtant…

L’association SPS propose des Journées d’ateliers dynamiques et d’échanges en santé (JADES) en ligne ou en présentiel pour ses adhérents, et des ateliers eJADES (tous les mardis et jeudis de 19h à 20h en visioconférence) gratuitement pour tous les professionnels de la santé et les étudiants. Depuis 2021, 48 formations ont été proposées, notamment sur le repérage et la prise en charge des soignants en souffrance. Nous soulageons le système de santé, prenons soin et accompagnons individuellement les plus de 7 O00 soignants qui nous sollicitent chaque année. Dans certains cas, nous proposons une médiation.

Quelle feuille de route pour 2023 puis 2024 ?

Nous sommes déjà présents partout en France et nous disposons d’une Maison des soignants à Paris (4 rue de Traktir – 75116 Paris). Cette année, nous travaillons à l’ouverture de 2 antennes régionales en Occitanie et en Grand-Est.

Nous souhaitons que toutes les ARS contribuent à nos activités sachant que notre budget, renégocié chaque année, provient de subventions du gouvernement (80 %), de la Sécurité sociale, de fondations, de quelques laboratoires et de donateurs.

Nous voudrions que l’ensemble des établissements de l’hospitalisation privée adhère à l’association SPS pour que nous puissions promouvoir un système qui vienne en aide à tous les soignants. Nous disposons de solutions dont nous sommes prêts à faire profiter le privé.