1,2, 3 Questions – Amah KOUEVI

Amah KOUEVI, Directeur de l’Institut français de l’expérience patient

L’expérience patient est-elle un levier d’amélioration pour les établissements ?

L’expérience patient est l’ensemble des interactions et des situations vécues par une personne ou son entourage au cours de son parcours de santé. Ces interactions sont façonnées à la fois par l’organisation de ce parcours mais aussi par l’histoire de vie de la personne concernée. On me demande souvent quelle est la différence avec la satisfaction. Ce que l’on peut dire c’est que l’expérience patient précède la satisfaction. S’intéresser au vécu du patient et à celui de son entourage donne des clés d’accès aux professionnels de soin et aux établissements pour comprendre et ensuite agir sur l’accueil et les prises en charge. De ce point de vue, l’expérience patient est un levier d’amélioration des relations établissements-patients et est même une méthode qui concourt à transformer notre système de santé dans son ensemble.

Quelle est la place des représentants des usagers dans ce contexte ?

Aujourd’hui, beaucoup de représentants des usagers rencontrent encore malheureusement de l’indifférence, si ce n’est de la défiance, de la part des professionnels de santé. Leur rôle est souvent perçu comme restrictif, limité au traitement des plaintes et dysfonctionnements.

Participer au recueil, à l’analyse et à la prise en compte de l’expérience patient, représente pour eux une véritable opportunité de s’investir aux côtés des équipes hospitalières dans une posture de collaboration constructive.

Comme le prévoient les textes qui régissent leurs attributions, ils atteindraient ainsi un meilleur équilibre entre leur implication dans l’indispensable défense des droits des usagers et la non moins nécessaire participation à l’amélioration de la qualité des prises en charge des patients.

Les RU doivent être inventifs et créatifs pour devenir des partenaires bien identifiés par les directions et les soignants, et vers lesquels on peut se tourner en confiance. Les professionnels de leur côté doivent se départir de leurs a priori et favoriser cette coopération.

Comment faire pour que la parole des patients soit entendue ?

L’Institut français de l’expérience patient accompagne et forme les équipes hospitalières aux connaissances fondamentales sur l’expérience patient et à la pratique de l’écoute. Avec France Assos Santé, nous invitons les représentants des usagers à se saisir du sujet, nous encourageons les patients et leurs proches à s’exprimer davantage. Leur parole est le point de départ.

L’Institut français de l’expérience patient forme des professionnels de santé, des soignants, des médecins, des administratifs, à aller recueillir méthodiquement les récits de vie des patients et de leurs proches. Aller au-delà de ce que l’on peut capter au niveau quantitatif en écoutant les patients, en leur consacrant du temps, est essentiel. Travailler avec les soignants sur l’expérience vécue pour, tout d’abord collecter, ensuite l’analyser, et enfin mettre en œuvre des solutions coconstruites, est une clé. Certains établissements y associent des représentants des usagers. Nous nous situons aujourd’hui à un point de bascule dans le développement de la prise en compte de l’expérience patient.

Baromètre de l’Institut français de l’expérience patient
Nous lancerons prochainement la 5e édition de notre baromètre de l’expérience patient qui permet aux établissements de se comparer aux résultats nationaux et de poser l’expérience patient comme un axe structurant de leur exercice quotidien. Les résultats des précédentes éditions amènent trois constats :

1/ 71 % des professionnels de santé déclarent prendre en compte le ressenti des patients, quand seuls 51 % des patients le confirment. Cette bonne volonté des professionnels de santé est insuffisamment perçue par les patients. Comment faire ressentir aux patients de façon juste l’effort des professionnels ? Une très grande attention est portée à la sécurité mais qu’est ce qui est fait pour améliorer le sentiment de sécurité ? Vérifier plusieurs fois l’identité du patient peut être perçu comme anxiogène si cette démarche n’est pas explicitée auprès du patient et restituée dans le protocole d’identitovigilance.

2/ L’intérêt du partage d’expérience est unanimement reconnu, mais nous constatons que les patients partagent peu leur propre expérience avec leurs proches, quasiment pas avec les professionnels de santé. Il y a un paradoxe entre la perception de l’utilité du partage d’expérience et la faible propension des patients à vraiment partager leur vécu. Comment les patients doivent-ils être encouragés pour exprimer leur voix légitime ?

3/ La première édition du baromètre montrait que seuls 38 % des établissements de santé étaient engagés dans une démarche d’amélioration de l’expérience patient. Chaque année ce sujet progresse, aujourd’hui, une majorité est engagée, voire même a construit une gouvernance de ce sujet. Nous nous situons vraisemblablement à un point de bascule dans le développement de la prise en compte de l’expérience patient qui s’impose comme un axe stratégique incontournable.