Dr Alexandra FOURCADE, Chef du bureau des usagers de l’offre de soins, Direction générale de l’offre de soins, ministère de la Santé et de la Prévention.
Quels enseignements tirez-vous de la crise Covid ?
La crise Covid a révélé l’absence d’anticipation sur le rôle accordé aux représentants des usagers dans les établissements en situation exceptionnelle. Paradoxalement, les personnes en situation d’isolement dans les établissements n’ont pu solliciter celles ayant mandat de les rencontrer. Les représentants des usagers n’ont pu exercer leur fonction.
Au ministère de la Santé, et en particulier à la DGOS, une organisation s’est mise en place dès le début de la crise pour relayer les signaux adressés par les usagers à partir de différentes sources d’information (courriers, données recueillies via la plateforme Santé infos droits, animée par France Assos Santé, rencontres régulières avec les représentants des associations d’usagers..) et par les professionnels de santé (via les remontées des espaces de réflexion éthique régionaux et les cellules de soutien éthique). Ces informations étaient transmises régulièrement à la cellule de crise nationale en charge des instructions aux établissements pour accueillir et prendre soin des patients. Nous avons essayé, dans un système qui n’était pas organisé pour cela, de faire valoir la place de la démocratie en santé et de la réflexion éthique. Il faut faire évoluer le système afin d’intégrer la prise en compte de ces signaux faibles (usagers et professionnels de santé) de manière systématique dans la gestion d’une crise sanitaire et plus largement dans le pilotage de notre système de santé.
Comment le rôle des représentants des usagers doit-il évoluer ?
Le rôle des représentants des usagers doit tendre vers quelque chose de dynamique et participatif. Cette évolution suppose : pour les représentants des usagers, une parfaite connaissance de leurs fonctions et l’expression en amont de leurs besoins, et pour les futurs soignants de nouveaux modules de formation pour apprendre à gérer, considérer et dialoguer avec les usagers. Ces évolutions concernent l’hospitalisation, l’ambulatoire et le médico-social.
De plus, les RU participent en amont à la construction du système de santé de demain. Ils sont parties prenantes. Nous devons aussi devenir plus opérationnels d’où la territorialisation des politiques publiques qui suppose la valorisation des projets locaux imaginés par des acteurs de terrain (professionnels, collectivités locales, start up…) qui d’emblée associent les patients dès la phase de conception des projets. C’est l’objectif que nous poursuivons avec l’ANAP (Agence nationale d’appui à la performance) pour 2023, en renouvelant le dispositif du label/concours droits des usagers qui sera ouvert à l’ensemble du champ sanitaire et médico-social et valorisera cette dynamique partenariale avec les usagers. Il faut valoriser les initiatives et les partager.
Comment démocratie en santé et système de santé évoluent-t-ils ensemble ?
Dans les établissements de santé, la démocratie en santé naît du rôle majeur attribué aux représentants des usagers. En septembre 2022, 20 ans après la loi Kouchner, un rapport de propositions concrètes* a été remis au ministre de la Santé afin de la faire évoluer. Ce rapport accorde un large rôle aux usagers du système de santé. La transformation du système de santé requiert l’objectivation du rôle du citoyen/usager.
Par ailleurs, nous ne devons pas systématiquement opposer la défense des droits des usagers d’un côté et l’activité des professionnels de santé de l’autre. Le projet Pantere (Pandémie territoires et éthique) mené durant la pandémie a démontré une convergence des préoccupations éthiques des professionnels de santé et des attentes des usagers en matière de respect de leurs droits pendant la crise. De plus, cette collaboration améliore la qualité des soins et de vie au travail. Cette communauté entre la défense des droits et l’aptitude de mieux considérer la dimension humaine des soins influe sur la performance du système de santé dans l’intérêt de tous.
*« La démocratie en santé : une urgence de santé publique-11 recommandations pour l’avenir de la démocratie en santé ». Rapport de la CNS du 6.04.22 publié le 14.09.22