Pr Céline PULCINI, Cheffe de la mission ministérielle Prévention des infections et de l’antibiorésistance au ministère des Solidarités et de la Santé
Pourquoi cette stratégie nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance pour les années 2022 à 2025 ?
Cette stratégie nationale quadriennale de santé humaine diffusée en février remplace le Programme national d’action pour la prévention des infections associées aux soins (PROPIAS) de 2015. C’est la déclinaison opérationnelle en santé humaine de la feuille de route interministérielle pour la maîtrise de l’antibiorésistance. Ce projet global, organisé en 9 axes et 42 actions, prend en compte l’ensemble des dimensions de la lutte contre les infections et l’antibiorésistance. Elle s’adresse à la médecine de ville, aux établissements de santé et aux établissements et services médico-sociaux, ainsi qu’à tout un chacun.
La stratégie mise en œuvre s’organise autour de la prévention du contrôle des infections (PCI) et la promotion du bon usage des antibiotiques (BUA), toutes deux indispensables pour lutter contre l’antibiorésistance. Ces 2 piliers PCI et BUA, complémentaires et synergiques, sont rassemblés pour la première fois de manière étroite dans une stratégie nationale. Prévenir les infections et l’antibiorésistance sont des enjeux de santé publique.
Les trois objectifs que nous avons retenus sont la prévention des infections courantes grâce à des gestes du quotidien et via la vaccination, réduire le risque d’infections associées aux soins et notamment les infections nosocomiales et enfin préserver l’efficacité des antibiotiques.
Quels sont les objectifs poursuivis et les résultats escomptés ?
Nous avons pris soin de définir des indicateurs d’impact et des objectifs chiffrés. Nous avons retenu 43 indicateurs d’impact dont 18 aisément compréhensibles destinés à nos actions de communication.
Ces indicateurs guident le pilotage des actions nationales, régionales et locales. Ils sont utilisables par les autorités de santé, mais également par les acteurs de terrain pour évaluer les actions.
Par exemple, nous pouvons mentionner pour les établissements de santé : l’indicateur vaccinal pour la grippe saisonnière pour atteindre une couverture vaccinale de plus de 70 % chez les professionnels de santé, l’objectif relatif à la friction des mains avec un produit hydro alcoolique dans plus de 90 % des cas quand le professionnel a touché un patient, l’objectif annuel de moins d’une bactériémie sur cathéter central en réanimation pour 1 000 journées cathéter, ou la réduction d’au moins 10 % de la consommation totale d’antibiotiques entre 2019 et 2025. La littérature sur ce dernier thème démontrant qu’environ la moitié des antibiothérapies seraient soit inutiles soit inappropriées.
La mise en œuvre sous-tendue notamment par un maillage territorial, l’offre de formation, ou la création de supports de communication, proposés dans la présente stratégie, nécessitent une appropriation et une mobilisation forte des établissements et des professionnels de santé, ainsi que des patients et du grand public. Nous espérons que les acteurs de terrain vont se saisir de ces outils pour évaluer leurs pratiques et les améliorer le cas échéant. Les acteurs territoriaux que sont les ARS, le réseau des centres régionaux d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPias) et des centres régionaux en antibiothérapie (CRatb) relayent au plus proche des professionnels de santé et du grand public les défis ambitieux de notre stratégie. Notre objectif est qu’il y ait un engagement de la totalité des parties prenantes.
Quelles problématiques la lutte contre l’antibiorésistance soulève-t-elle ?
En France, nous enregistrons plus de 5 500 décès dus à des infections à bactéries multi-résistantes tous les ans. L’OMS rappelle, dans toutes ses communications, que l’antibiorésistance est l’une des menaces les plus importantes pour l’humanité dans les années à venir.
La baisse progressive de la consommation des antibiotiques observée ces dernières années en France s’est accompagnée d’une diminution de l’antibiorésistance de certaines bactéries, ce qui est porteur d’espoir. Toutes les actions menées depuis plusieurs années semblent porter leurs fruits. Cependant la prévalence un jour donné des infections associées aux soins stagne à 5 % depuis plusieurs années.
Nous disposons donc encore d’une marge d’amélioration. De plus, la multiplicité des facteurs ou déterminants influant sur les comportements fait que nous devons jouer sur beaucoup de leviers pour changer les habitudes. C’est pourquoi cette stratégie nationale a été co-construite avec les professionnels de santé et les usagers afin d’identifier les leviers impactants. La mise en place de toutes ces actions, tous ensemble, nous permettra d’atteindre les objectifs fixés. Nous espérons que ce défi sera relevé par l’ensemble des acteurs. Leur adhésion est la condition indispensable à une amélioration tangible et pérenne.