Dr Olivier Jourdain, gynécologue obstétricien à la Polyclinique Jean-Villar, Bruges (33)
Vous êtes gynécologue obstétricien et vous sortez un livre intitulé « Enquête au pays des antivax », pourquoi ?
Depuis 15 ans je travaille sur la vaccination contre le papillomavirus et j’ai pu observer les difficultés de son acceptation par la population. Ce constat m’a poussé à m’interroger sur les mouvements d’opposition qualifiés d’ « antivax ». C’est une réflexion que j’ai entamée avant la crise Covid et l’actualité m’a rattrapé. De nos jours, il est indispensable de prendre en compte l’aspect sociologique de la vaccination ainsi que les phénomènes d’hésitation vaccinale et de résistance. Mon enquête est celle d’un médecin de terrain mais j’espère qu’elle sera à l’origine d’une large prise de conscience sur ce phénomène, considéré par l’OMS comme une des 10 plus grandes menaces sur la santé mondiale. J’aspire aussi à donner à mes confrères des éléments de réponses pour leurs patients inquiets.
Qu’avez-vous découvert au pays des antivax ?
Lutter contre un mouvement que l’on ne connaît pas est impossible. C’est pourquoi j’ai dans la première partie de mon livre fait un retour en arrière depuis l’an 283 avant Facebook, depuis l’histoire de Lady Montagu et du vaccin contre la variole. À cette époque l’opposition à la vaccination est déjà présente. Ce ne sont donc pas les réseaux sociaux qui en sont à l’origine, même s’ils jouent actuellement un rôle évident.
Il y a aussi dans un vaccin une dimension philosophique ; le malthusianisme par exemple soutient que la sélection naturelle secondaire aux épidémies est un phénomène naturel et sain. La lutte contre le papillomavirus responsable d’une MST est associée pour d’autres à une forme de décadence. Enfin la pensée antivaccinale peut aussi être un élément d’une idéologie antisystème plus radicale. Lorsque nous faisons ce constat nous réalisons alors que la réponse est complexe et doit être adaptée à chaque type d’attitude opposante.
À propos de la pandémie actuelle, quelles seraient vos recommandations pour convaincre chacun de se faire vacciner ?
Nombreux sont ceux qui hésitent à se faire vacciner en particulier avec le vaccin AstraZeneca du fait des risques potentiels. Ceux-ci sont toutefois bien moins importants que ceux encourus par les femmes sous contraceptif oral ou par les fumeurs par exemple. Il est donc difficile d’argumenter puisque la crainte n’est pas forcément rationnelle.
Sur les réseaux sociaux, les opposants à la vaccination agissent rapidement en petits groupes dynamiques. Les institutions peinent à répondre. Leur grande taille nuit à leur réactivité et les seules données scientifiques sont souvent inaudibles. Pour le vaccin contre le papillomavirus, je propose que la communication fasse plus appel à l’émotion. Les laboratoires et les pouvoirs publics ne peuvent occuper cette place, c’est donc à nous médecins de nous organiser et aux médias à nous soutenir. Actuellement, les antivax ont le monopole de l’émotionnel et ils ont un pouvoir parfois hypnotique grâce aux réseaux sociaux ; il n’est pas question d’accepter cela. Nous devons apprendre à trouver les mots justes pour amener nos patients à adhérer à la vaccination. L’obligation vaccinale qui présente certains avantages pose aussi des problèmes ; je suis donc réticent à cette solution. L’objectif est d’aboutir à la vaccination de tous par conviction et non par obligation.
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