Renforcer notre coordination
Dr Anne Mallet, secrétaire nationale de l’AFC-UNHPC.
« Nous savons d’ores et déjà que nous constaterons une surmortalité par cancer dans les 3 à 5 ans à venir. Cette projection nous oblige à agir. »
Avant l’été, nous avons travaillé avec le comité national Cancer et Covid, coordonné par l’INCa, pour objectiver le nombre de tumeurs qui n’ont pas été opérées du fait des déprogrammations durant la première vague. Nous les avons évaluées à environ 30 000. Notre hypothèse était qu’une augmentation d’activité de 5, 10, 20 % des établissements de santé dès juin permettrait de rattraper ce déficit d’ici la mi 2021. C’est d’une part une bonne nouvelle, mais d’autre part un constat terrible. Nous savons d’ores et déjà que nous constaterons une surmortalité par cancer dans les 3 à 5 ans à venir. Cette projection nous oblige à agir.
Durant la première vague, l’hospitalisation privée a globalement bien maintenu son activité en cancérologie, et la radiothérapie par exemple n’a jamais autant travaillé. Au niveau national et tous secteurs confondus, l’activité de chimiothérapie a baissé de 10 %. Malgré les freins de certaines tutelles, les établissements de santé privés ont redémarré leur activité immédiatement et nous avons observé une augmentation de 10 à 15 % de l’activité de chirurgie du cancer dès fin mai. Cette reprise très rapide de l’activité a été possible aussi grâce à l’énorme travail du comité national Cancer et Covid de l’INCa.
Une culture de la coordination
La déprogrammation actuelle des soins n’est pas brutale comme au printemps où nous étions passés de 100 à 0 % en 3 jours, mais elle est aujourd’hui variable. Le contexte est donc différent mais les conséquences délétères pour les patients peuvent être identiques. Dans tous les cas, seule une décision collégiale médicale pour décider d’un report au sein de la CME ou du bloc prévaut.
Des comités régionaux Cancer et Covid ont, soit été créés, soit s’appuient sur des structures existantes. Le comité national transmet les informations aux comités régionaux et des coopérations qui permettent une décision thérapeutique adaptée à la situation dans les différents territoires, en fonction des disponibilités en lits ou en compétences, peuvent se mettre en place. L’activité de cancérologie est très structurée et cette culture de la coordination est une formidable chance dont d’autres spécialités pourraient s’inspirer. Soulignons toutefois que des coopérations quasi obligatoires, y compris pour des besoins vitaux de santé, sont complexes à mettre en œuvre à l’échelle d’un territoire, et que au final, leur efficacité dépend uniquement des hommes.
Les choix devant lesquels des praticiens seront probablement placés sont terrifiants. Aura-t-on plus de morts non Covid que de morts par la Covid ? En mars, le système de santé s’est focalisé sur la lutte contre la Covid sans anticiper les conséquences de ce choix. Par exemple, nous ne pouvons pas répéter l’erreur de fermer les centres de dépistage du cancer du sein. Maintenir une activité de santé autre que liée à la Covid aussi forte que possible est un message que nous avons diffusé largement en nous appuyant sur les travaux et la position forte de l’INCa.
Interview réalisée le 28 octobre 2020.