Où en est-on de la mise en œuvre du dossier médical partagé ?
Le déploiement du DMP a commencé en décembre 2016 dans une présérie de 9 départements, pour tester les modalités de création et d’alimentation. Depuis le 6 novembre 2018, tous les patients peuvent créer leur DMP directement sur internet, ainsi que dans les pharmacies et les accueils des CPAM. Cette généralisation a été accompagnée d’une campagne d’information et l’envoi de mails aux assurés pour les inviter à créer leur DMP. Les établissements de santé et les autres professionnels de santé peuvent aussi effectuer cette démarche pour les patients mais ce ne sont pas des cibles prioritaires. De son côté, la Cnam alimente tout nouveau DMP par un historique des remboursements sur les 24 derniers mois : médicaments, hospitalisations, actes d’imagerie et de biologie, etc. Nous en sommes à 5 millions de DMP, à raison de 100 000 nouveaux créés chaque semaine, et jusqu’à 260 000 par semaine durant la campagne de communication. Notre objectif est de parvenir à 10 millions de DMP fin 2019, et 40 millions fin 2022.
Comment les établissements de santé privés peuvent-ils accompagner ce déploiement ?
Le retour d’expérience issu de la présérie montre que c’est l’alimentation des DMP par les établissements de santé – en comptes rendus d’hospitalisation, de biologie, d’imagerie, etc. – qui dynamise son usage par les médecins. Les Cpam et les ARS ont donc rencontré les établissements de santé socles des GHT, les principales cliniques ainsi que les grands groupes de santé privés. Nous leur avons expliqué nos attentes, à savoir que le DMP soit automatiquement abondé par le Dossier patient informatisé (DPI). Selon l’organisation de l’établissement, l’information peut être envoyée soit directement par le médecin via son logiciel métier, soit à partir du DPI lorsque le médecin lui fournit ses comptes rendus. Pour cela, le logiciel métier et/ou le DPI doivent disposer d’un connecteur spécifique avec le DMP.
Il s’agit ensuite d’expliquer en CME le fonctionnement du DMP, de définir les documents à fournir et selon quelles procédures. C’est bien le médecin qui est responsable de l’envoi. Par défaut, tous les documents sont transmis automatiquement. Le médecin doit donc connaître les 3 cas particuliers. D’abord, un patient peut refuser qu’un document abonde son DMP (cas des tentatives de suicide, etc.). Ensuite, le médecin peut décider d’envoyer au DMP des informations consultables par d’autres professionnels de santé mais pas par le patient (lorsque l’annonce doit être faite dans le cadre d’une consultation spécifique : cancers, VIH, etc.). Enfin, la Cnil nous a demandé de permettre à un mineur, à partir de 15 ans, de masquer une information à ses parents dans son DMP (cas des IVG, etc.).
Comment inciter les médecins à se servir du DMP ?
En rappelant d’abord que la loi qui instaure le DMP fait suite à la loi Kouchner sur l’information médicale à donner au patient. Un patient a le droit d’accéder à son dossier médical sans passer par un médecin, et c’est le DMP qui rend ce droit effectif. Mais c’est aussi dans son propre intérêt que le médecin doit se saisir de cet outil, car le DMP optimise et sécurise sa pratique. Dans un parcours de soin, nombre de médecins ne connaissent pas le patient : les urgentistes, les médecins qui reçoivent des patients en déplacement et tout simplement les médecins spécialistes lors d’une 1ère consultation. Disposer d’un dossier complet est crucial, pour les anesthésistes par exemple. D’après une enquête récente portant sur ces consultations d’anesthésie, lorsque les patients répondent à la question « Quels médicaments prenez-vous ? », 37 % d’entre eux omettent des informations. Dans 17 % des cas, ceci peut avoir des conséquences graves. Le DMP, c’est donc un garde-fou contre les accidents médicaux, mais c’est aussi pour les praticiens un réel gain de temps. Lorsque 30 % des patients auront un DMP, ce temps gagné justifiera largement le temps passé par les praticiens à les abonder. Il faut donc que cela devienne un réflexe. Pour eux, la seule contrainte technique est qu’ils s’assurent que leur logiciel métier est mis à jour afin de garantir l’interopérabilité.
Précisons que c’est la Carte de professionnel de santé (CPS) qui leur permet de s’authentifier pour accéder au DMP, or dans les établissements les médecins ne l’ont pas constamment sur eux. Pour proposer une méthode d’authentification alternative, nous avons lancé en lien avec la Cnil un appel à projets auprès d’une dizaine d’établissements de la présérie. Nous avons ainsi identifié 4 possibilités d’authentification sans CPS (combinaison de carte sans contact, Bluetooth, SMS, code PIN). Leur expérimentation au niveau de la France entière est prévue pour septembre.