L’arrêt du Conseil d’Etat du 8 février 2017 confirme le fait que la mission de service public d’aide médicale d’urgence suppose la prise en charge des transferts médicalisés de patients, y compris entre établissements de santé, lorsque l’état de santé des patients le nécessite.
Ceci induit le fait que la dotation financière attribuée à cet effet aux hôpitaux couvre les frais de transports des patients, lorsque le médecin régulateur du SAMU a donné son accord pour ce transfert entre établissements de santé.
Depuis 2014, la FHP MCO a été régulièrement sollicitée par des établissements de santé privés qui rencontraient des difficultés dans la facturation des transports définitifs réalisés par les SMUR. Les hôpitaux sièges de ces SMUR, essentiellement les CHU, refusaient en effet d’assumer la charge financière de ces transports en objectant que la dotation MIG (mission d’intérêt général) qu’ils percevaient ne permettait pas de couvrir ces frais. Ils adressaient alors les factures de ces frais aux cliniques pour en exiger le règlement en invoquant le fait que la réglementation avait évolué et que son interprétation était douteuse.
Un conflit, parfois très dur, s’en est suivi dans de nombreuses régions, les hôpitaux ayant recours à des moyens juridiques éminemment contestables, prenaient les cliniques en otage de leur conflit avec le Ministère pour obtenir la revalorisation de leur dotation. Utilisant tous les moyens que leur conférait le recours au Trésorier payeur général pour obtenir le recouvrement, souvent forcé, des titres de paiement, ils n’ont eu de cesse d’adresser des titres exécutoires aux établissements de santé privés. Un certain nombre de cliniques et hôpitaux privés ont reçu des oppositions à tiers détenteur, c’est-à-dire la saisie des sommes sur leur compte bancaire, qui les ont obligés à saisir le juge administratif pour faire cesser ces poursuites et faire valoir leur bon droit.
Alertée à ce sujet, la FHP MCO a saisi le Ministère dès le mois d’avril 2014 pour lui demander de rappeler dans une note les règles de facturation établies dans le guide de facturation des transports1. Par un courrier de juillet 2014, la DGOS confirmait la règle de facturation appliquée par les établissements de santé privés2. A la fin de l’année 2014, le Ministère annonçait une réforme du financement des MIG SAMU et SMUR pour 2015-20163. Cette réforme n’est en définitive pas intervenue à ces dates4.
La région Sud-Est a été particulièrement confrontée à ces difficultés, qui ont engendré une série de contentieux. L’un d’entre eux a donné lieu à un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui a donné raison, le 16 juillet 2015, au CHU de Nice en défaveur d’une clinique niçoise. Accompagné par la FHP Sud-Est et la FHP MCO, cet établissement a contesté cette décision auprès du Conseil d’Etat. C’est l’arrêt objet de la présente dépêche.
Suite à la décision de la Cour administrative d’appel de Marseille, le Ministère a pris une Instruction, en date du 23 décembre 2015, pour rappeler les règles de facturation applicables à savoir que les transports SMUR définitifs sont à la charge des hôpitaux sièges de SMUR5.
Pour autant, et malgré ce rappel, de nombreux hôpitaux ont maintenu voire amplifié leurs actions. Ils ont soutenu qu’ils estimaient que ces règles de facturation ne leur étaient pas applicables, n’avaient pas une force juridique opposable suffisante et que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille, quoique contesté en appel et donc non opposable, était « de jurisprudence constante » en leur faveur.
Nous tenons dans cette dépêche à remercier les nombreux établissements de santé privés qui, sur nos conseils, ont tenu bon et n’ont pas hésité, pour un certain nombre d’entre eux, à aller en justice pour faire valoir leur bon droit.
La persévérance de chacun a payé :
- Celle des établissements de santé privés ayant lancé les procédures ;
- Celle de la FHP Sud-Est, qui a accompagné de près les établissements de sa région et échangé en interrégional et au niveau régional, également ;
- Enfin la nôtre, répétée dans toutes les réunions de campagne tarifaire, au comité national de l’urgence hospitalière, au fil des réponses individuelles que nous vous avons apportées et des 8 dépêches FHP-MCO (pour mémoire en pièce jointe), certainement aussi.
L’arrêt du Conseil d’Etat rendu aujourd’hui, et très attendu, confirme notre détermination en donnant raison aux établissements de santé privés.
Reprenant l’ensemble de la réglementation applicable à l’aide médicale urgente, aux transports d’urgence et aux structures d’urgence, il confirme en effet que :
- Les services d’aide médicale d’urgence sont tenus d’assurer le transport des patients dans l’établissement le plus proche, offrant des moyens disponibles adaptés à leur état (article L6311-2 CSP). Ils sont également chargés d’organiser ce transport (article R6311-2 CSP).
- Dans le cadre de l’aide médicale urgente, le SMUR a pour mission : 2° d’assurer le transfert entre deux établissements d’un patient nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet./ Pour l’exercice de ces missions, l’équipe d’intervention de la SMUR comprend un médecin. » (article R 6123-15 CSP)
- « Les interventions des SMUR (…) sont déclenchées et coordonnées par les SAMU. » (article R 6123-16 CSP)
- « Pour assurer, postérieurement à son accueil, l’observation, les soins et la surveillance du patient (…), l’établissement organise la prise en charge (…) 5° En liaison avec le SAMU, en l’orientant vers un autre établissement apte à le prendre en charge et, si nécessaire, en assurant ou en faisant assurer son transfert (…). » (article R 6123-19 CSP)
Il en déduit que les frais de transport liés à cette intervention au titre de l’aide médicale urgente relevaient nécessairement « d’un financement par la dotation nationale de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, mentionnée aux articles L. 162-22-13 et D. 162-6 du code de la sécurité sociale, au titre de l’aide médicale urgente.»
Autrement dit, il appartenait aux établissements de santé publics disposant d’un SMUR et d’un service d’aide médicale d’urgence d’assumer les frais de transports sanitaires secondaires définitifs car ces frais sont inclus dans la mission d’intérêt général qu’ils perçoivent à cet effet. La facturation de ces frais aux établissements privés adresseurs s’avérait donc injustifiée.
La cour administrative d’appel de Marseille qui s’était prononcée en sens contraire a donc commis une erreur de droit « dès lors, ainsi qu’il résulte du cadre juridique précisé ci-dessus, qu’une structure mobile d’urgence n’intervient que dans le cadre de sa mission de service public d’aide médicale urgente, sur décision du médecin régulateur du SAMU. »
L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille pour qu’elle tire les conséquences de cette cassation opérée par le Conseil d’Etat.
Nous sommes très satisfaits de cette issue qui devrait apaiser les tensions entre de nombreux établissements de santé et permettre aux établissements de santé privés de transférer leurs patients, quand cela s’avère nécessaire, dans des conditions plus sereines.
Sophie BUSQUET de CHIVRÉ (sophie.busquetdechivre.mco@fhp.fr) est à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.
A télécharger
Arrêt du Conseil d’Etat du 8 février 2017
2 Dépêche FHP MCO du 30/07/2014
Dépêche FHP MCO du 9/10/2014
Dépêche FHP MCO du 9/04/2015