Le décret n°2016-273 du 4 mars 2016 transpose en droit français des directives européennes en matière d’assistance médicale à la procréation. Il complète des dispositions existantes sur le don de gamètes et tissus et le transfert d’embryons. Il toilette aussi la réglementation actuelle.
Enfin, il est l’occasion de revenir sur l’article 155 de la loi de modernisation du système de santé en matière de recherche sur l’embryon et sur l’arrêté du 24/12/2015 sur l’ouverture du don de gamètes aux personnes n’ayant pas procréé.
Le décret n°2016-273 du 4 mars 2016 transpose en droit français des directives européennes en matière d’assistance médicale à la procréation. Il est pris en application de l’article 155 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
Ce décret, qui vient pour partie largement toiletter la réglementation française actuelle, concerne essentiellement les médecins qui réalisent des actes d’assistance médicale à la procréation (AMP) et les laboratoires de biologie médicale. Les établissements de santé sont quant à eux concernés par les dispositions relatives au code européen unique de traçabilité.
Outres les dispositions de toilettage des textes juridique qui n’ont pas été détaillées ici, le décret comporte trois thématiques principales :
- Il accroît la sécurité en matière d’AMP concernant les vérifications biologiques auprès des donneurs ainsi que la traçabilité européenne des tissus et cellules à l’aide d’un code spécifique ;
- Il aménage les conditions de transfert et de déplacement d’embryons ;
- Il précise le devenir des gamètes et tissus germinaux conservés.
De son côté, l’article 155 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé rend désormais possible, sous certaines conditions, la recherche sur des embryons aux fins de gestation.
Enfin, l’arrêté du 24/12/2015 ouvre le don de gamètes aux personnes n’ayant pas procréé et leur permet, à cette occasion, de conserver leurs gamètes pour les cas où ils deviendraient par la suite infertiles.
I- Accroissement de la sécurité en matière d’AMP
1. Vérifications biologiques auprès des donneurs :
Le décret renforce les vérifications réalisées par le médecin préalablement à un prélèvement de gamètes.
Il doit désormais :
- S’enquérir des antécédents personnels et familiaux du donneur, notamment ceux à risque de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jacob ou d’autres encéphalopathies, et recueillir les données cliniques du donneur qu’il estime nécessaires ;
- S’assurer qu’il n’y a pas de risque de transmission virale ou bactérienne responsable d’une pathologie infectieuse (VIH, HTLV, hépatites, cytomégalovirus, syphilis, infection par chlamydiae)
- S’il s’agit de sperme, en faire pratiquer l’examen microbiologique.
Lorsqu’un risque de transmission est identifié, le donneur ne peut être retenu.
En outre :
- pour un don de sperme, le praticien doit renouveler la recherche des marqueurs biologiques d’infection à VIH, VHB et VHC six mois après le don ou après le dernier recueil. Pour le cytomégalovirus, si le résultat de l’examen biologique fait apparaître un doute au moment du don, l’examen est renouvelé.
- pour un don d’ovocytes, un contrôle est réalisé dès les 1ers jours de la stimulation ovarienne préalable au don et comporte un dépistage génomique pour les virus VIH, VHB, VHC et cytomégalovirus.
Six mois après la date de congélation des embryons, la recherche des marqueurs biologiques de VIH, VHB, VHC et syphilis doit être réalisée si elle n’a pas été faite précédemment. Les embryons ne peuvent être accueillis si cette recherche est impossible chez l’un ou l’autre des membres du couple (nouvel article R2141-4 Code de la santé publique (CSP)).
Lorsqu’un risque de transmission d’une pathologie infectieuse est identifié, l’embryon ne peut être cédé en vue de son accueil. Pour la maladie de Creutzfeldt-Jacob ou d’autres encéphalopathies, un simple risque potentiel de transmission, exclut la cession.
Tous ces résultats d’examens doivent être en la possession du médecin qui réalise l’AMP. Il doit également disposer du code européen unique garantissant la traçabilité du don.
2. Elaboration d’un code européen unique garantissant la traçabilité européenne des tissus et cellules :
La traçabilité des gamètes en vue du don et des embryons destinés à être accueillis est assurée par l’utilisation du code européen unique du don. Ce code est apposé sur la fiche de traçabilité qui accompagne les gamètes et embryons.
- L’Agence de la biomédecine(ABM) est responsable : Article R2142-21-3 du code de la santé publique
- De l’attribution d’un numéro unique d’établissement à tous les établissements de santé et organismes autorisés à pratiquer l’AMP ;
- Du choix du ou des systèmes d’attribution de numéros de don uniques ;
- Du suivi et de la mise en œuvre du dispositif
- De la validation des données relatives aux établissements de santé et aux organismes autorisés à pratiquer les activités biologiques d’AMP figurant au registre des établissements de tissus de l’Union européenne et de la mise à jour de ce registre ;
- De l’alerte d’un autre Etat membre lorsqu’elle découvre des informations inexactes sur cet Etat dans le registre ;
- De l’alerte de la Commission européenne et des autorités compétentes si le registre nécessite une mise à jour.
- L’établissement de santé (ou l’organisme autorisé) est responsable : Article R2142-21-2 du code de la santé publique
- De l’attribution du code européen unique du don, au plus tard avant la mise à disposition des gamètes ou des embryons ;
- De l’apposition du code sur la fiche de traçabilité, et le cas échéant sur l’étiquette des gamètes ou embryons concernés ;
- De l’information de l’ABM en cas de constat d’un non-respect significatif du code européen unique.
II- Aménagement des conditions de transfert et de déplacement d’embryons
1. Transfert d’embryon :
En cas d’accueil d’embryon, les textes prévoyaient auparavant que le tribunal compétent était soit celui du lieu de résidence du couple, soit, s’il résidait à l’étranger, celui de la localisation du centre d’AMP. Désormais, les règles sont plus souples et permettent au tribunal du lieu où est situé le centre autorisé à réaliser le transfert d’embryon d’être compétent, et ce, même si le couple requérant ne réside pas à l’étranger (nouvel article R 2141-10 CSP). Cela peut aussi toujours être le tribunal du lieu du domicile du couple.
2. Déplacement d’embryon :
La procédure prévue à l’article R 2141-14 CSP en cas de déplacement transfrontalier d’embryon est simplifiée. Seule une autorisation de déplacement donnée par l’ABM est désormais requise. Elle se substitue à la procédure préalable avec tests de sécurité sanitaire, formulaire rempli par l’organisme adresseur, accord de l’établissement destinataire et attestation de consentement du couple aux règles françaises applicables en cas de conception avec tiers donneur.
Le délai dont dispose le directeur de l’ABM pour se prononcer sur ces demandes estétendu d’un à deux mois (nouvel article R 2141-16 CSP). Ce dernier peut, si nécessaire, demander des informations complémentaires. Cette demande suspend alors le délai de deux mois.
III- Devenir des gamètes et tissus germinaux conservés
1. Conservation des gamètes en vue d’une AMP : Article R 2141-17 CSP
La personne dont les gamètes ont été conservés est consultée chaque année par écrit pour savoir si elle maintient cette modalité de conservation.
Si elle ne souhaite plus la maintenir, elle peut :
- Soit consentir, après accord de l’autre membre du couple, à un don de ses gamètes,
- Soit accepter qu’ils fassent l’objet de recherche,
- Soit demander qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes.
Dans tous les cas, elle exprime son consentement par écrit à l’aide du document de consultation et le confirme par écrit après un délai de réflexion de 3 mois. Le consentement est révocable jusqu’à l’utilisation ou la destruction des gamètes.
Il est mis fin à la conservation des gamètes en cas de décès de la personne ou si, n’ayant pas répondu à la consultation, elle n’est plus en âge de procréer.
2. Conservation des gamètes ou tissus germinaux pour préserver la fertilité de l’intéressé : Article R 2141-18 CSP
- Personne mineure
Les titulaires de l’autorité parentale sont contactés chaque année pour recueillir les informations utiles à la conservation des gamètes et tissus, dont un éventuel changement de coordonnées.
Il ne peut être mis fin à la conservation de ces gamètes et tissus qu’en cas de décès du mineur.
Dans l’année de sa majorité, l’intéressé est convoqué par le centre de conservation des gamètes et tissus pour qu’une information actualisée lui soit donnée.
- Personne majeure
La personne majeure est consultée chaque année par écrit sur son souhait de maintien de la conservation et peut, si elle ne souhaite plus la maintenir :
- Soit consentir, après accord, si elle fait partie d’un couple, de l’autre membre du couple, à un don de ses gamètes,
- Soit accepter qu’ils fassent l’objet de recherche,
- Soit demander qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes.
Il est mis fin à la conservation des gamètes en cas de décès de la personne ou si, n’ayant pas répondu à la consultation, elle n’est plus en âge de procréer.
Les modèles de consultation annuelle de la personne et de confirmation du consentement sont fixés par décision du directeur de l’ABM.
3. Dispositions transitoires : Article 6 du décret
A compter du 6 mars 2016 (date de publication du décret), il est mis fin à la conservation des gamètes et tissus germinaux de toutes les personnes décédées.
Les dispositions relatives à l’attribution d’un code européen unique et à l’anonymisation des dossiers de dons ne s’appliquent pas aux gamètes et embryons actuellement conservés en vue de don ou d’accueil, à condition qu’ils soient mis à disposition au plus tard le 29 octobre 2021 et que leur traçabilité soit pleinement garantie. Ceux mis à disposition postérieurement à cette date doivent remplir les nouvelles conditions issues du décret.
IV- Conditions du don de gamète
Cf articles R2141-20 à 26 nouveaux du CSP
Un entretien avec l’équipe médicale du centre d’AMP où sont conservés les gamètes précède le consentement écrit de la personne au don.
Cet entretien permet :
- D’informer les intéressés des conditions juridiques relatives au don et de leurs conséquences en matière de filiation ;
- De leur préciser la nature des examens à effectuer pour garantir la sécurité sanitaire ;
- De leur indiquer que le consentement au don implique le consentement à la conservation des informations relatives à leur santé.
A défaut d’accord de la personne sur ces conditions, le don est impossible.
Seuls les laboratoires de biologie médicale autorisés peuvent conserver les gamètes en vue du don. Ceux qui ne le sont pas leur transmettent les gamètes prélevés, avec une copie du dossier de la personne concernée. L’anonymisation du dossier du donneur ainsi que l’attribution du code européen unique sont réalisé par le laboratoire autorisé à conserver les gamètes.
V- Autres dispositions
1. Dispositions issues de la loi de modernisation de notre système de santé sur la recherche sur gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon in vitro
L’article 155 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé complète l’article L2151-5 du CSP par une nouvelle disposition prévoyant que« des recherches biomédicales menées dans le cadre de l’AMP peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation, si chaque membre du couple y consent. »Ces recherches sont réalisées dans les conditions de réalisation des recherches biomédicales prévues au CSP.
2. Dispositions issues de l’arrêté du 24/12/2015 relatif au don de gamètes par des personnes n’ayant pas procréé :
Constatant l’insuffisance des dons de gamètes en France, le Gouvernement a décidé d’ouvrir cette possibilité aux personnes n’ayant pas procréé et en âge de le faire. Si le nombre de gamètes recueillis est suffisant, il est proposé à l’intéressé de bénéficier, ultérieurement, d’une partie des gamètes conservés, s’il devenait infertile.
- Pour le don d’ovocytes :
- Jusqu’à 5 ovocytes matures obtenus : tous les ovocytes sont destinés au don ;
- De 6 à 10 ovocytes matures obtenus : au moins 5 ovocytes matures sont destinés au don ;
- Au-delà de 10 ovocytes matures obtenus : au moins la moitié des ovocytes matures sont destinés au don.
- Pour le don de spermatozoïdes :
Au-delà des 3 recueils de sperme généralement nécessaires au don, un recueil peut être proposé en vue d’une conservation à destination du donneur.
Sophie BUSQUET DE CHIVRE (sophie.busquet.mco@fhp.fr) est à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.
Restant à votre écoute,
Bien cordialement,
Thierry BECHU
Délégué Général du syndicat national FHP-MCO
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- Décret n°2016-273 du 4 mars 2016 relatif à l’assistance médicale à la procréation.
- Article 155 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé
- Arrêté du 24/12/2015 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’AMP.