Dr Eckart von Hirschhausen, médecin, cabarettiste et auteur, a créé en 2008 la fondation Humor hilft heilen (litt. L’humour aide à soigner). Lauréat en 2014 du trophée allemand Health Media Award récompensant les entreprises du milieu de la santé pour leur innovation en matière de communication et marketing.
Qu’est-ce que la Fondation L’humour aide à soigner ? D’où vous est venue cette idée ?
L’idée d’aider à la guérison en mettant des clowns dans les hôpitaux existe en Allemagne depuis une vingtaine d’années. D’ailleurs ce concept est apparu en France sensiblement à la même période après que le clown new-yorkais Michael Christensen a lancé sa Big Apple Clown Care Unit. Personnellement, j’ai toujours trouvé le lien entre théâtre, rire et médecine fascinant. Aussi, lorsque j’ai été à même, grâce au succès inespéré de mon livre le foie grandit avec vos devoirs (Die Leber wächst mit Ihren Aufgaben), de créer ma propre fondation, j’ai voulu contribuer à la « contamination par le rire » de beaucoup d’autres personnes avec le pouvoir de guérison de l’humour.
Votre fondation ne s’adresse pas qu’aux enfants, mais aussi aux patients adultes. Quel en est le but ?
Le but principal est l’instauration d’un climat propice à la guérison dans le milieu hospitalier. Ainsi nous avons un réseau de clowns dans toute l’Allemagne que nous envoyons dans les établissements de santé, des hôpitaux psychiatriques et des maisons de retraite dans le cadre de plus de 50 projets. Cela nous permet d’évaluer l’impact du rire dans les milieux hospitaliers. Lors de la visite du clown, il s’agit surtout de soulager la douleur en créant une atmosphère chaleureuse et relaxante qui redonne espoir au patient. Il est important de prendre au sérieux l’hygiène mentale du patient car celle-ci contribue autant à la guérison que le médicament. Nous observons les vertus positives de ces actions et même chez les personnes les plus récalcitrantes à nos clowns.
Comment ces actions sont-elles financées ?
L’humour ne se prenant pas encore en pilule, sa prescription ne bénéficie pas encore de subventions publiques. C’est pour cela que je finance ce travail de pionnier grâce à ma fondation dans l’espoir de voir bientôt l’assurance maladie, les ministères et d’autres sponsors me rejoindre dans cette aventure. Ce ne sont pas seulement les patients qui sont dans notre ligne de mire, mais également le corps médical et le personnel soignant. Depuis deux ans, la pression sur les personnels hospitaliers n’a cessé de croître si bien que l’ambiance a considérablement décliné dans beaucoup d’endroits. Ils sont tous stressés, décrochent ou sont victimes de burn-out. Tout le monde parle de médecine personnalisée, mais c’est justement sur le personnel que l’on fait des coupes-sombres.L’humour aide à soigner vient de publier une étude faite à partir d’une centaine d’interviews de médecins, de personnel soignant et de patients montrant que tous ces groupes sont en mutation psychologique. En même temps, chacun pouvait citer une situation où il était parvenu, grâce à l’humour, à réduire provisoirement son stress. La vision purement économique n’est pas compatible avec l’idée que l’hôpital a – comme son nom l’indique – vocation à recevoir des hôtes. Il faut renouer avec l’idée de charité et ne plus voir les patients ni comme des Diagnosis related groups(DRG) ou des clients, mais comme des personnes dont nous devons atténuer les douleurs, par tous les moyens qui nous sont donnés.