Frédéric Dubois, président du comité de préfiguration de la Fondation des Usagers
Vous portez l’idée de ce projet de Fondation des usagers depuis plusieurs années avec Jean-Daniel Simon, Dr Gérard Couderc, Dr Gilles Schutz et la FHP. Elle est aujourd’hui créée. Quelles sont vos motivations profondes ?
Nous partons d’un constat simple : l’attrition inexorable du secteur de l’hospitalisation privé marquée par un transfert des parts de marché du secteur privé vers le secteur public. Nous avons salué la présence de Marisol Touraine au congrès de la FHP à Marseille. Elle reconnaît certes l’existence et la place du privé, mais nous pouvons clairement lire entre les lignes qu’elle verrait d’un bon œil la répartition actuelle, de 50/50 entre nos deux secteurs public et privé, évoluer en 75/25 au profit du secteur public naturellement. Cette évolution aurait une conséquence majeure, celle de la remise en cause progressive et très insidieuse de la liberté de choix du patient pour son établissement. Parallèlement, la médecine libérale est en péril, frappée par une pénurie de praticiens dans de nombreuses spécialités, menacée par la non résolution du secteur 2 et donc du financement de l’ensemble de la profession. La liberté de choix du médecin par le patient se réduit donc également.
Le point majeur à souligner est que cette mutation de notre système s’opère sans que l’usager s’en aperçoive ; cette transformation non perceptible et indolore se fait à son insu. Notre fédération et ses composantes doivent être audibles pour être en position de négocier or nous constatons que l’exercice est extrêmement difficile. La Fondation doit servir à mobiliser l’opinion publique sur ces grands sujets sociétaux.
L’usager a plutôt une bonne image déjà de l’hospitalisation privée, non ?
Oui c’est exact. D’ailleurs les résultats du sondage IPSOS présentés en fin d’année le montrent. Les Français ont une bonne, voire une très bonne image, de nos établissements de santé privés. Néanmoins les résultats démontrent également que les usagers sont hermétiques à nos problématiques organisationnelles ou financières et que nos marges d’exploitation qui diminuent très dangereusement, et pour lesquelles nous nous battons car elles sont notre survie, ne les concernent en aucune manière. Pire, une majorité pense que le secteur privé est plus cher que le secteur public et ne leur est pas accessible. Au-delà, le plus important est de retenir que pour 72% d’entre eux, les associations ou organisations d’usagers, c’est à dire des lieux d’expression et d’écoute citoyens, sont les leviers les plus pertinents pour faire face aux grands défis auxquels notre société est confrontée, notamment en ce qui concerne notre système de santé. Nous avons là, la genèse de la création d’une fondation. Les usagers sont les plus à même de s’emparer d’un grand sujet sociétal comme la politique de santé et l’organisation du système. Comment peut-on préserver la solidarité de notre système et la liberté de choix qui en sont les pierres angulaires et en font la singularité ? Sans le dire, nous avançons lentement vers un système à l’anglaise. Il est urgent de disposer d’un cadre au sein duquel le triptyque établissement-médecin-usager pourra mettre sur la table tous les éléments – faut-il changer les règles de notre système, lesquelles ? – en débattre et s’exprimer.
A un horizon de 5 à 10 ans, comment voyez-vous cette Fondation ?
Je la vois puissante ! Elle sera composée d’usagers de l’hospitalisation privée au départ, rejoints par des usagers de l’hôpital public. Notre secteur accueille déjà environ 8 millions de patients, parions que la Fondation parlera au nom de 8-10 millions d’adhérents qui auront cotisé 1 euro. Dotés de moyens, complétés par des donations déductibles des impôts, car la Fondation est adossée à la Fondation de France, elle pourra agir. Ses membres auront comme objectif de développer la qualité, l’excellence, l’accessibilité du système de soins, l’approche préventive de la santé. Son président, entouré d’un collège de personnalités qualifiées et d’associations à l’autorité morale irréprochable, veilleront à la dimension éthique fondamentale de l’organisation. La Fondation disposera de moyens financiers importants et pourra apporter son concours dans tous les domaines où la santé est en question. Elle pourra notamment lancer des programmes de santé publique, de prévention, de recherche médicale. Nos instances syndicales et les organisations des médecins libéraux pourront s’appuyer sur l’appropriation par les usagers de l’ensemble de ces sujets pour se positionner en force de propositions et ainsi être appelés à la table des négociations dans des conditions plus favorables. Les cadres administratif et juridique sont bouclés. Au-delà des premières souscriptions significatives déjà reçues, les promesses de dons continuent d’affluer. La signature officielle avec la Fondation de France est prévue le 5 mars prochain. L’aventure est lancée.