Madeleine Madoré, présidente de l’association Le lien, représentante des usagers de la santé à l’ANSES, l’ANSM et au Laboratoire d’éthique de la Faculté de médecine René Descartes (programme CARPEM)
Êtes-vous satisfaite de l’évolution des normes et des pratiques mises en œuvre pour prévenir les infections nosocomiales en France actuellement ?
La France dispose d’un solide corpus législatif et règlementaire autour de la lutte contre les infections nosocomiales. Cependant, les pratiques individuelles restent mal appréhendées et l’évolution des normes n’a pas été accompagnée d’un effort de lisibilité pour le patient. Le Lien demande depuis plusieurs années la mise en place d’indicateurs de qualité par service et notamment d’observance des règles d’hygiène de base : consommation de solution hydro-alcoolique (SHA), port des bijoux. Nous demandons aussi dès que nous participons à des réunions, que la diffusion des taux d’infections nosocomiales soit faite par service, notamment en chirurgie, et soit accompagnée d’explications compréhensibles par le patient. Une lutte efficace se construit au plus près du lit du malade et avec lui. Nos remarques sont d’autant plus justifiées que l’établissement comporte un nombre important de lits (par exemple plus de 150).
Que préconisez-vous pour réduire les infections nosocomiales ? Quels sont actuellement vos chevaux de bataille ?
Notre constat est que l’antibiorésistance progresse de façon inquiétante et que les nouvelles molécules capables de lutter efficacement contre les BMR tardent à voir le jour. Aussi il est indispensable de renforcer la vigilance et surtout d’augmenter les signalements pourtant obligatoires depuis 2001, mais encore très anecdotiques. Cela passera par des aménagements structurels mais surtout par des changements de mentalité comme une meilleure reconnaissance et représentativité des métiers de l’hygiène à l’intérieur des établissements. Mais il faudrait également un renforcement significatif et une valorisation de l’hygiène dans la formation initiale et continue des médecins… Quand on sait que le module hygiène aujourd’hui est facultatif ! Il n’est plus acceptable que les médecins puissent sortir d’un cursus de 10 ans d’études sans de solides notions d’hygiène. Enfin il faut intégrer des formations en hygiène dans le DPC des médecins en exercice en tenant compte de l’évolution des connaissances. Dans les établissements, il faut intégrer un poste budgétaire « prévention et contrôle des infections nosocomiales » ; le déploiement des examens de dépistage bactériens à l’entrée des établissements ; renforcer la prévention et la surveillance des infections nosocomiales dans les établissements de moyens et longs séjours ou dans les maisons de retraite.
Au niveau national, il faudrait mener une étude sur les séquelles des infections nosocomiales. De ce point de vue, le Lien appelle à « un choc de simplification » des procédures de signalements auprès des structures de veille sanitaire. Nous espérons que le rapport de Jean-Yves Grall, directeur général de l’ARS Nord-Pas-de-Calais, sur la réorganisation des vigilances sanitaires qui pointent les nombreuses défaillances du système actuel, sera suivi d’effets sur le terrain. De plus, nous avons eu le week-end dernier une très bonne nouvelle : la publication du décret concernant la présence d’un référent antibiorésitance dans les équipes soignantes. Enfin !
Nos autres chevaux de bataille sont axés sur la prise en compte du sujet antibiorésistance dans sa globalité : commencer à réfléchir sur d’autres approches environnementales et thérapeutiques pouvant nous aider à lutter contre ces bactéries multirésistantes nous semble indispensable à ce jour. Il s’agit d’intégrer, pour la compréhension des problèmes, l’influence des prescriptions vétérinaires et les facteurs d’affaiblissement du système immunitaire des patients qui les rendent plus vulnérables. Il est également important de vérifier si l’établissement de soins est doté d’un environnement sain (air ambiant sans formaldéhyde, etc.) mais aussi qu’il ne soit pas en présence excessive de facteurs de risques émergents encore mal évalués de type nanoparticules (dans les revêtements autonettoyants) ou rayonnements électromagnétiques de type WIFI en fonctionnement continu qui peuvent influencer la capacité de résistance des bactéries et/ou affaiblir les patients etc. Il convient également de s’inspirer de bonnes pratiques actuellement en évaluation comme les revêtements en cuivre et les appliquer plus largement si les résultats sont probants. Tout comme il est important de distribuer une bonne alimentation aux patients. Il s’agit de premiers pas dans le domaine de la prévention primaire, si importante dans un contexte de pauvreté d’offre médicamenteuse efficace. Un vaste sujet ! Enfin, un espoir plus précis de nouvelle thérapeutique serait la phagothérapie (utilisation de virus bactériophages) qui semble donner de très bons résultats. L’avenir pourra nous le confirmer, je l’espère, pour le plus grand nombre.
La FHP-MCO organise aujourd’hui son congrès annuel des usagers. Selon vous, l’amélioration des conditions de prise en charge des patients passe-t-elle par ce genre de rencontre ?
Ce type de rencontre participe certainement à une meilleure compréhension des positions des associations et usagers vis-à-vis des professionnels de santé et réciproquement. Mais je ne suis pas certaine qu’une journée de colloque influe sur la prise en charge. Ces rencontres font émerger des problématiques nouvelles qui peuvent faire évoluer les rapports entre les parties prenantes et c’est très important pour une meilleure compréhension réciproque à partir du moment où l’on intègre une participation active de chacun. L’écoute des remarques pertinentes des usagers et leur prise en compte peuvent permettre un grand pas en avant.