Le PLFSS 2014 est une nouvelle quadrature du cercle. Selon vous, comment sauver la Sécu ?
Pour « sauver la Sécu » il faudrait le vouloir ce qui me semble être loin des intentions de l’Etat depuis très longtemps. La Sécu n’est plus celle de 1945 depuis que l’Etat a pris les rennes et impose son diktat. Du salaire différé de 1946 géré par les syndicats et leurs représentants, on est passé à une gestion bureaucratique qui applique les décisions du ministère de la Santé qui nomme son directeur dans ses rangs. Du coup, les dépenses attribuées à la Sécurité sociale ne sont plus les dépenses de santé proprement dites mais bien les choix des gouvernements : telle campagne de vaccination chez l’enfant contre l’hépatite B, telle campagne de vaccination contre la grippe sous Madame Bachelot et deux milliards d’euros dépensés pour des gens qui n’étaient pas malades, remboursement du scandaleux vaccin contre l’HPV dangereux parfois mortel et très coûteux (450 euros les deux injections) pour un bénéfice attendu dans trente ans loin d’être démontré. L’État impose aussi par exemple de payer les yeux fermés les « thérapeutiques dites innovantes » ciblées contre le cancer, rubis sur l’ongle, depuis 2003 avant que ces drogues n’aient passé les étapes nécessaires des essais phase 2, 3 et 4 avant demande d’autorisation de mise sur le marché. La liste des médicaments dont les essais seront payés par la Sécu et les patients les cobayes inconscients est définie chaque année par une commission ad hoc (tout cela est très démocratique bien sûr) au ministère et entraîneront des dépenses de 1,5 milliard d’euros annuels payées aux labos par ladite sécu. Elle est pas belle la vie ?
La liste des exemples de dépenses ne correspondant pas aux soins des maladies des assurés mais bien au diktat des lobbies du cancer et autres serait longue comme celle des économies qui pourraient être engendrées si l’on revenait au rôle de la Sécurité sociale que lui attribuait les ordonnances de 1945. On citera la suppression du dépistage du cancer de la prostate et du remboursement du PSA en dehors de situations cliniquement avérées. (500 millions d’euros annuels d’économies potentielles) d’autant que ni la HAS ni l’Inca ne conseillent plus ce dépistage. Qu’attend-on ? Le rétropédalage sur le dépistage organisé du cancer du sein dont l’efficacité est contestée de façon internationale et sa nocivité démontrée par l’essentiel des études va dans le même sens. Estimé autour de 2 milliards d’euros annuels, on peut rapidement estimer qu’un milliard d’économies serait facile à trouver en évitant en même temps bien des souffrances et des larmes inutiles à des bien portantes qu’on transforme définitivement et malades sans gain de vies. Pour sauver la Sécu il faut lui redonner son rôle et rien que celui-là : ne pas lui faire payer les laboratoires de recherche pour le cancer etc. qui relève de la recherche et non du soin payer par les assurés. Qui le veut vraiment ?
La Direction de la CNAMTS suggère aux pouvoirs publics de réaliser 2,48 milliards d’euros d’économies sur les dépenses d’assurance maladie. Pensez-vous que ces économies soient inévitables ?
Je ne sais pas si elles sont inévitables mais en tout cas souhaitables et possibles. Les dépistages mais aussi les nombreuses campagnes de pub faites et réalisées par les mêmes agences que celles qui vendent du coca cola ou autre schweppes sur les maux divers et variés que le bien portant, qui est un malade qui s’ignore, n’aura pas su diagnostiquer sur son propre corps : je citerai les promotions pour le dépistage de l’éjaculation précoce ou la déminéralisation osseuse, mais il y en a à foison ! Chacune sous-tendant la vente d’un médicament miracle (et non sans danger). Promotion et pas encore soldes mais cela ne saurait tarder… quant aux économies sur les médicaments inutiles inefficaces ou dangereux les professeurs Even et Debré ont de nouveau sonné l’alarme et le gisement énorme d’économies potentielles en euros et en effets indésirables. Sans nuire à la santé des Français bien au contraire ! Oubliant de s’occuper de leur ombilic toute la journée à coups de flash info ou autre émission télé, ils reprendraient goût à la vie en passant à autre chose que le principe de précaution passé au grotesque et entraînant la dépression collective qui frappe notre pays. Une addition qui monte rapidement à 10 milliards d’euros annuels si on a la force de résister aux lobbies, aux habitudes et aux associations manipulées par les lobbies…
Vous vous battez depuis plus de 20 ans pour améliorer les conditions de soins des malades du cancer. Quel bilan en tirez-vous ?
J’ai commencé à traiter des patients atteints de cancer dans les années 1980. Entre 1980 et 1995 nous avons globalement en France et à l’étranger assisté à une augmentation des taux de guérison de nombreux cancers et à l’amélioration parallèle de la qualité de vie après le cancer (85 % des guérisons à 5 ans des cancers de l’enfant et 55 % de ceux de l’adulte). Par exemple, pour les cancers des os, les amputations de l’ordre de 80 % au moins en 1980 étaient passées à moins de 20 % vers 1995. Mais avec la bureaucratisation du traitement du cancer induit par les plans cancers successifs, doublant la pensée unique régnante d’un impératif autocratique d’appartenir au réseau reconnu par l’Institut national du cancer et accrédité par les ARS pour avoir le droit de traiter les malades atteints de cancer enfants ou adultes, on assiste à une régression rapide de la qualité des soins donnés aux patients sur l’ensemble du territoire. Le réseau n’est accrédité que s’il applique les recommandations établies en haut donc de fait l’inclusion du plus possible de patients dans les essais thérapeutiques en cours. L’organe de transmission qu’on pourrait comparer aux cellules du PC soviétique est la RCP : réunion de concertation multidisciplinaire où l’ensemble des médecins concernés par la pathologie du malade se rencontrent. Belle idée qui se heurte à la pratique puisqu’en gros, il faut entrer les patients en fonction de leur type de cancer et extension dans l’essai clinique national en cours. Chambre d’enregistrement de fait des essais thérapeutiques pour éviter qu’un patient n’y échappe, un médecin individuellement peut difficilement résister au groupe et s’opposer à la décision prise pour son patient. Il peut officiellement le faire de temps en temps mais le phénomène bien connu de la « preuve sociale » fait qu’il se tait. De fait n’ayant plus de liberté thérapeutique pour ses patients, le cancérologue ne lit plus, ne travaille plus la littérature médicale et se déshumanise, se désintéresse progressivement de ses patients devenus objets puisque les connaitre n’entraine pas de possibilité d’inflexion thérapeutique. Il entre dans le burn-out et les malades se sentent abandonnés.
Cette régression de la relation humaine, de la qualité des soins par perte de l’adaptation des traitements au patient unique est décrite quotidiennement par des malades dans leur discours direct, leurs mails ou leur échanges sur les réseaux sociaux. La médecine personnalisée vendue par les agences de com des centres anticancéreux n’est qu’un nuage de fumée : les drogues ciblées sont adaptées à une anomalie génétique du type de la tumeur prélevée mais en rien au malade « global ». L’objectivation de ce phénomène de chute rapide de la qualité des soins est prouvée par la multiplication des amputations évitables de membres chez des patients traités pourtant dans de grands centres spécialisés dont les patrons d’autrefois doivent se retourner dans leur tombe.
Le mur de Berlin après le Kremlin est bien tombé. Le monopole du plan cancer imposé par l’INCA et les ARS sous la bénédiction du ministère de la Santé et payé avec nos impôts sautera lui aussi. D’autant que son caractère anticonstitutionnel dans une économie de marché soumise à la libre concurrence devrait faire aboutir les nombreux recours à l’Europe. Ils ne manqueront pas d’être déposés une fois que suffisamment de français auront découvert les méfaits de ce qu’on leur avait vendu comme progrès. Il faut faire respecter en France ce qui est encore inscrit dans notre code de Santé publique et de déontologie :
« le malade a le libre choix de son médecin » encore faut-il que cela ait un sens et que le médecin ait pouvoir de décision ! Et le second item est « le médecin ne doit en aucun cas renoncer à son indépendance professionnelle ». Madame le Ministre m’expliquera comment répondre à cette injonction devant un monopole de traitement des cancers. Pour la dose de doliprane peut-être ?