Dans son avis adopté à l’unanimité le 22 mars dernier, le HCAAM a montré que notre système de soins était simultanément confronté à deux défis. D’une part, le défi « financier », qui porte sur la « soutenabilité », sur le long terme, du financement solidaire par l’assurance maladie. Combien de temps pourrons-nous financer par de l’argent public des dépenses de santé dont le taux de croissance spontané est très supérieur à celui du PIB ? C’est une inquiétude pour les professionnels autant que pour les patients. D’autre part, un défi « soignant », lié à la place croissante des maladies chroniques et des polypathologies, dont la prise en charge suppose des organisations de plus en plus complexes. Ces deux défis s’additionnent. Mais on peut y répondre par un levier commun : le HCAAM est en effet convaincu que, dans la croissance très forte des dépenses de santé liée au vieillissement et aux pathologies chroniques, les enjeux d’organisation, de coordination, d’articulation ? ou de manque d’articulation ! ? entre les acteurs joue un rôle majeur.
Pourquoi favoriser la notion de parcours de santé ?
Tout simplement parce qu’une maladie chronique, et a fortiori le cumul de plusieurs maladies chroniques, ne peut être prise en charge correctement, aussi bien sur le plan médical que sur le plan économique, que si on assure une qualité globale des interventions. Il ne suffit pas que chaque intervenant fasse «bien» son acte, il faut aussi qu’il fasse le «bon» acte au bon moment. Un seul exemple pour me faire comprendre : les hospitalisations non programmées entrant par les urgences. Elles représentent presque une hospitalisation sur deux chez les personnes de plus de 80 ans! Admettons même qu’il s’agit chaque fois d’une situation de vraie urgence : combien de ces hospitalisations auraient pu être évitées si le «scénario de vie» s’était écrit différemment quelques semaines ou quelques mois plus tôt, avec un meilleur accompagnement médical, soignant et social à domicile ? Voilà pourquoi nous disons qu’il faut passer d’une médecine pensée comme la succession d’actes ponctuels et indépendants à une médecine «de parcours».
Quelles sont les évolutions probables du système de soins français ?
Rechercher un optimum de « parcours », c’est extrêmement exigeant. Cela suppose d’abord d’installer très fortement la médecine de proximité ? au premier chef, le médecin traitant? comme « pivot » du parcours. En entourant sa fonction des différentes ressources, médicales, soignantes et sociales, qui lui permettent de ne pas dilapider son temps. Cela appelle à penser le rôle des services hospitaliers, de mesurer leur performance, et d’envisager leurs tarifications, non plus exclusivement par rapport à la séquence hospitalière proprement dite, mais aussi dans leur contribution au parcours global. Et cela exige enfin un vrai décloisonnement des interventions sanitaires, médico-sociales et sociales.