Nos établissements de santé doivent faire face à un manque criant d’infirmières. Il y a eu plusieurs phases : d’abord, les infirmières espagnoles, qui ont été massivement embauchées… Puis la seconde phase, où les infirmières à la retraite reviennent travailler dans les établissements. A mon avis, il s’agit d’un symptôme qui met en lumière un simple fait : il faut anticiper. Et il existe une mesure simple pour faire face à ce problème : augmentons le nombre des places dans les écoles d’infirmières. L’autre grand débat aujourd’hui, et dans le secteur privé dans son ensemble, c’est le débat sur les 35h. Nous sommes véritablement dans un système schizophrénique : l’Etat compense d’un côté la hausse du coût pour les entreprises – on paye pour que les gens travaillent moins, et de l’autre, en défiscalisant les heures supplémentaires, l’Etat paye pour travailler plus. Le système est pour le moins paradoxal. Les 35h ont mis à mal l’hospitalisation toute entière. On doit arrêter de parler de volume horaire légal, mais essayons d’adapter le temps de travail en fonction des activités, par des conventions avec les partenaires sociaux. On le voit bien aujourd’hui, le manque de personnel, d’infirmières, d’aides-soignantes est amplifié par les 35h. Disons oui à l’abolition des 35 h dans le système privé de la santé ! D’ailleurs le ministre a quand même un dossier pertinent sous le coude : la récupération des RTT… avec 2 millions d’heures ! C’est toute l’aberration des 35h.
Qu’en est-il du démarchage de l’industrie pharmaceutique dans le système hospitalier ?
Il y a eu, dans le projet de loi initial sur le médicament, une expérimentation de visites collectives. Il nous semblait inopportun de prendre les visiteurs médicaux comme boucs émissaires du scandale du Médiator. De plus, les visiteurs médicaux représentent 16 000 emplois en France. Les parlementaires ont décidé d’exclure de la visite collective tous les produits hospitaliers et les dispositifs médicaux. Le scandale du Médiator n’est pas arrivé dans le milieu hospitalier, mais au cœur de la médecine ambulatoire. Il y a une incohérence à vouloir réformer la visite médicale hospitalière sans toucher la visite médicale de ville. Laissons les chefs d’établissements réglementer la visite médicale dans leur propre établissement, et arrêtons d’infantiliser les professionnels de santé et les médecins. Ce ne sont pas forcément des personnes qui, sous l’effet d’un dîner ou d’un taille-crayon gratuit, vont mettre de côté leur éthique médicale.
La Cour des comptes a évalué à 7 milliards les économies potentielles liées à la convergence des tarifs des secteurs public/privé. Par temps de crise, comment se priver d’un tel levier ?
Il est vrai que la Cour des comptes, dans son rapport, a évalué à 7 milliards les économies potentielles de la convergence. Le déficit chronique de la sécurité sociale est un paradoxe, les réformes ont du mal à porter leurs fruits. C’est tout l’enjeu du processus électoral : l’équilibre des comptes et le financement de la sécurité sociale. La protection sociale, c’est 650 milliards d’euros chaque année. Le modèle d’Etat Providence date de 1945, et a fonctionné en gros jusqu’en 74, jusqu’au premier choc pétrolier. A partir de cette période, l’Etat a emprunté pour financer la protection sociale. La question est : comment garder cette protection sociale, en maîtrisant mieux nos dépenses et en améliorant l’efficience? Sur la sécurité sociale, nous avons un certain nombre de leviers à actionner. Le premier est lié à la fraude : la fraude à la sécurité sociale et la fraude des non-cotisations de certains employeurs, le travail au noir. L’ensemble de la fraude s’élève à 20 milliards d’euros. Ce n’est pas rien. Le deuxième levier consiste à responsabiliser les acteurs du système de santé et les patients, et j’ai toute confiance en leurs capacités. Le troisième levier est, bien sûr, la convergence tarifaire public/privé. Il ne faut plus que la convergence soit un gros mot. Nos concitoyens doivent savoir ce qu’ils coûtent à la sécurité sociale et ce que la solidarité a donné pour eux.