Le risque de dommage et de mortalité sont deux composantes inévitables de l’exercice de fonctions médicales. Dans le cadre d’une maladie incurable, la famille et le patient sont, dans une certaine mesure, préparés à l’éventualité d’un décès. S’il s’agit d’un défaut de prise en charge, c’est plus compliqué à gérer pour les équipes soignantes. Il faut ainsi distinguer la mortalité liée à l’évolution « normale » d’une maladie incurable, et celle résultant d’un événement iatrogénique, comme le rappelle Claude Rambaud, présidente de l’association Le Lien (infections nosocomiales, sécurité des patients, accompagnement des victimes) et membre du CISS (association nationale des associations de santé).
Informer le patient, c’est une obligation au regard de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, mais c’est aussi un devoir d’un point de vue éthique. Pour accompagner les professionnels de santé sur ce point, la HAS a édité un guide « Annonce d’un dommage associé aux soins – Améliorer la relation soignant-patient » en mai 2011. Or les assureurs s’opposent souvent à cette communication des professionnels de santé vers leurs patients et leurs proches, car ils ne veulent pas voir la différence entre les dommages associés aux soins et la faute professionnelle. En menaçant de ne pas couvrir un professionnel en cas de faute, les assureurs l’incitent à faire de la rétention d’information. C’est une position illégale !
Comme le souligne Claude Rambaud : « la prise en charge des malades implique une chaîne d’intervenants compliquée, dans laquelle il est parfois difficile d’isoler une faute. Pour autant, annoncer un dommage ne revient pas forcément à annoncer une faute. Il faut que le patient et ses proches soient informés, car sauf pour les cas où une faute est clairement commise, le dommage peut souvent être anticipé ». Elle ajoute que « la plupart du temps, les dommages surviennent en conséquence d’une absence d’anticipation ».
Prenons l’exemple des thromboses vasculaires : « J’ai eu récemment connaissance d’un dossier faisant état du décès d’un jeune homme de 18 ans à cause d’une embolie pulmonaire, initialement hospitalisé pour une entorse, à qui des anticoagulants auraient dû être administrés. Ce n’est pas normal ! On ne devrait pas mourir des suites d’une hospitalisation pour une entorse ! ». Claude Rambaud indique aussi que de nombreux cas d’infections nosocomiales pourraient être évités si les antibiotiques étaient prévus et prescrits à temps.
« Les dossiers les plus durs, ceux qui finissent devant un tribunal, sont toujours ceux pour lesquels la vérité a été cachée au patient. Dire la vérité, c’est lui permettre de faire un choix, mais aussi de trouver des solutions à l’amiable en prévoyant si nécessaire une réparation pour lui ou pour ses proches, conformément aux principes du droit civil français ». Dès qu’un risque existe, le professionnel doit donc informer le patient et ses proches, et c’est précisément ce à quoi les assureurs font obstacle, par peur de devoir verser une indemnisation.
Si les taux de mortalité des établissements de santé ne sont actuellement pas observés, Claude Rambaud précise que cela inviterait à se poser des questions, à anticiper les risques médicaux et à prévoir une organisation interne afin d’éviter des situations scandaleuses dont la presse se fait l’écho, comme celles qu’ont connues les hôpitaux de Metz et de Saint-Affrique.
Elle rappelle enfin que selon les conclusions du rapport 2010 de l’Observatoire des risques médicaux, l’Oniam prend en charge tous les risques considérés comme importants au titre de la solidarité nationale – notamment les préjudices liés aux infections nosocomiales graves -, laissant aux assureurs les « petits risques ». La question qui en découle est alors de savoir si on pourrait se passer des assureurs dans le domaine des risques médicaux-sociaux.