Depuis la première loi de bioéthique de 1994, le don d’ovocytes est réservé aux établissements et organismes publics, et aux organismes privés à but non lucratif. Moins de la moitié des centres autorisés pratiquent réellement le don d’ovocytes. Résultat des courses : la France est aujourd’hui dans une situation de rupture de soins avec environ 300 donneuses par an pour près de 3000 femmes en attente de don… sans compter les milliers de couples qui optent pour le tourisme procréatif.
Jacques Montagut, médecin et biologiste de la reproduction, est le seul en France à avoir créé une structure privée à but non lucratif qui pratique le don d’ovocytes. Il déplore l’existence de fait d’une médecine à deux vitesses entre les couples qui ont les moyens de partir à l’étranger pour réaliser leur parcours d’assistance médicale à la procréation, et ceux qui ne les ont pas – sans compter que dans bien des cas « les structures privées [à l’étranger] ne respectent pas les principes éthiques que nous avons en France, tels que la gratuité du don, le fait qu’il soit anonyme… ». En Espagne par exemple, destination phare en Europe pour ce type de pratique, une donneuse est rémunérée environ 1000 euros, et la receveuse doit débourser près de 5000 euros – inutile de revenir sur le fait que les plus démunis sont nécessairement lésés – ; certaines cliniques se sont même spécialisées dans l’accueil de « touristes » français.
Comment en est-on arrivé là, et comment en sortir ? Jacques Montagut, comme les signataires de la Pétition de solidarité pour les couples stériles du don d’ovocytes en France, préconise l’ouverture des établissements de santé privés à la pratique du don d’ovocytes. « Ils sont constitués en réseaux et cela permettrait de déployer des campagnes de communication à l’attention des mamans pour les informer de la possibilité de faire don de leurs ovocytes – vu qu’il faut avoir déjà procréé pour être éligible au don. A ce jour, beaucoup d’entre elles l’ignorent car seuls l’Agence de la biomédecine et le ministère sont autorisés à lancer des campagnes nationales. Les établissements privés pourraient donc prendre le relai en local, principalement dans les régions qui souffrent du manque d’activité de don d’ovocytes et où beaucoup de couples sont en attente ».
Jacques Montagut rappelle que les règles éthiques resteraient les mêmes pour tout le monde, et qu’il suffirait de mettre en place un forfait remboursé par la Sécu au même titre que pour le don de spermatozoïdes. Actuellement, plus de la moitié des établissements autorisés ne pratiquent pas le don d’ovocytes faute de moyens. Les ARS font ce qu’elles veulent des MIGAC attribuées et ne les consacrent pas forcément au don d’ovocytes – c’est un mode de gestion relativement opaque d’ailleurs pointé par l’IGAS. « Certains CHU refusent même de prendre en charge les frais de transport des donneuses, au motif que le don doit rester gratuit, alors que le fait de faciliter la prise en charge des donneuses ne remet absolument pas en cause le principe de gratuité du don ! »
Lors de la révision de la loi de bioéthique en juin 2011, il était question de permettre aux cliniques et hôpitaux privés de pratiquer le don d’ovocytes. Un débat qui s’est refermé presque aussi vite qu’il s’est ouvert : « la révision de la loi de bioéthique rien n’a changé sur la question du don d’ovocytes, les débats parlementaires n’ont pas réussi à dépasser les clivages idéologiques et politiques », regrette Jacques Montagut.