Dr. Paul GARASSUS est Président du Conseil scientifique du Baqimehp, et Vice-président de la Société française en économie de la santé.
Qu’est-ce que le P4P ?
C’est un acronyme qui signifiepayment for performance. C’est un outil qui permet de définir des critères qualité pour une meilleure allocation de ressources hospitalières, au bénéfice du patient. Ce mode de rémunération a été mis à l’épreuve aux USA depuis dix ans mais a déjà montré ses limites. Une de ses principales critiques est que ce programme se base uniquement sur des grilles de process et des bonnes pratiques mais offre en fait une vision trop théorique. Il manque à l’évidence l’évaluation des résultats. Le P4P est donc quasi « mort avant d’arriver chez nous » d’où la nécessité de passer à l’étape suivante – le P4O (payment for outcome(résultats)) – qui lui se base sur les résultats. Rapporté au système francais, le P4O reviendrait à optimiser le financement actuel par GHM en ajoutant des critères de qualité/résultats rémunérant les établissements. On valoriserait ainsi au travers de financement la qualité des prises en charge. Le P4O se met actuellement en place dans le Maryland (USA) avec des indicateurs de résultats pondérés en fonction de la lourdeur des pathologies traitées. Cela nécessite une préparation attentive du modèle et une méthodologie partagée en amont, concernant la définition de critères statistiques homogènes et transparents.
Quels sont les avantages et les inconvénients d’une évolution du financement en fonction de la qualité et des résultats ?
Dans l’absolu, le principe est louable à la fois pour le régulateur et le patient. Il permet au payeur d’optimiser ses allocations financières en direction de la qualité du résultat obtenu. Quant aux établissements, ils ont une incitation financière significative à leur engagement en faveur de la qualité des soins. Maintenant il faut que l’application pratique de ces principes soit réellement incitative et récompense les efforts fournis. Si les « bonus » qualitatifs étaient trop faibles ou mal répartis, les efforts managériaux déployés dans les établissements seraient alors inopérants. Cette démarche doit exercer une pression positive mixte, qualité mais aussi financement. Le P4O est un outil qui permet aux établissements de se positionner par rapport à des valeurs cibles moyennes réalistes, atteignables dans un benchmarking positif.
Y a-t-il urgence à mettre en place cet outil ?
Nous sommes en retard car d’autres pays comme l’Italie et l’Espagne, l’Allemagne actuellement, développent des outils de type P4O. La mise en place des réformes de paiement à l’activité (comme la T2A en France) est toujours un parcours complexe mais ce n’est qu’une étape dans le processus de réformes du financement hospitalier. Cette idée exprime une vraie volonté politique permettant d’optimiser les dépenses de santé pour une meilleure qualité de prestation. D’autre part, nous disposons d’indicateurs au niveau international qui montrent bien les avantages qui peuvent en découler. Actuellement en France, les tutelles et les décideurs se préparent à amorcer des travaux méthodologiques pour un passage à la rémunération à la qualité. La FHP avec le Baqimehp ont déjà commencé à réaliser des évaluations complémentaires. Je pense qu’il est important que les établissements se préparent aux changements méthodologiques mais il faut rester très prudent quant aux modalités tarifaires qui vont en découler. Les dirigeants auront besoin de l’adhésion de l’ensemble des équipes médicales, partenaires dans la culture du résultat, pour se positionner et optimiser les recettes dans le cadre de ce benchmarking positif. De ce point de vue, les établissements privés sauront très certainement s’adapter car ils sont partenaires de cette culture qualité et comprendront rapidement l’intérêt d’anticiper cette réforme à venir. Des efforts qualitatifs doivent en effet réellement induire une amélioration significative des recettes. C’est tout l’enjeu du P4O pour lequel nous allons nous préparer.