Quelles sont d’après-vous les plus grandes avancées dans la prise en charge de l’insuffisance rénale ces 10 dernières années ?
C’est justement le thème de la journée thématique de la FHP Dialyse du mardi 7 juin qui abordera le parcours du patient insuffisant rénal chronique, sa vie avec la maladie et l’évolution de sa prise en charge.
De manière générale sur le plan technique, la grande avancée a été l’évolution des plateaux de soins au regard des évolutions réglementaires de 2002 apportant une restructuration importante des structures de prise en charge des patients dialysés. Au niveau médical, le développement de l’hémodiafiltration on line est une avancée notable, tout comme le renforcement de la sécurité et la qualité de la séance de dialyse par les mesures on line (dose de dialyse avec Adiméa, mesure du KT/V, mesure de la volémie, mesure de l’urée etc…).
En tant que directeur de centre de dialyse qui rencontre et côtoie les patients sur le long terme, je témoigne que l’avancée s’est faite aussi dans la valorisation et la professionnalisation de l’éducation thérapeutique du patient. L’éducation thérapeutique du patient dialysé est un processus continu, dont le but est d’aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie de malade chronique. L’Education thérapeutique fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient dans nos établissements. La mise en place de cette démarche a été plébiscitée par les soignants, très attachés aux patients qu’ils suivent parfois depuis des dizaines d’années. Nous y avons associé un travail sur le renforcement de l’estime de soi du patient grâce à des séances de réflexologie plantaire particulièrement appréciées et bénéfiques. Comme vous le voyez, la notion de prise en charge globale n’est pas un mot banalisé dans nos établissements.
Quelles innovations peut-on attendre à l’avenir?
C’est indéniablement le développement d’une interface globale des données médicales et biologiques reliées à celles du générateur afin de sécuriser et d’informatiser totalement le dossier patient. A mon niveau je me suis impliqué sur l’aspect télémédecine car c’est une innovation qui peut permettre de sécuriser la prise en charge de patients demeurant dans des zones géographiques éloignées des centres ou isolées en périodes d’intempéries. Notre département alpin en est un parfait exemple. Le lien entre le centre et le patient doit cependant rester très fort et harmonieux. C’est un chantier encore en développement car il n’est pas facile à mettre en place avec une population vieillissante et des inégalités régionales importantes. Dans le cadre du groupe de travail FHP sur la télémédecine, nous travaillons sur l’élaboration d’un cahier des charges qui permettra aux porteurs de projets de disposer d’un outil complet et facilement utilisable pour mener à bien leur démarche. La mutualisation des expériences régionales, voire locales au sein de ce groupe de travail et l’esprit pragmatique impulsé par le docteur Dominique Poels, coordinateur de la commission FHP télémédecine, sont des atouts pour aider les établissements privés dans les relations à conduire avec les ARS et les établissements publics.
Quelle est et sera la place du secteur privé dans cette prise en charge ?
Le secteur privé est porteur d’idées et souhaite pouvoir toujours répondre présent à l’évolution de la prise en charge des patients insuffisants rénaux. Cependant, il faut reconnaître qu’il est de plus en plus difficile de monter des projets innovants pour nos patients avec le peu de reconnaissance et de moyens économiques dont nous disposons.
Je suis assez inquiet de la baisse du prix de la journée en centre que nous subissons alors que la tendance est l’arrivée de patients plus âgés, présentant de lourdes pathologies associées et parfois atteints de troubles du comportement. Nous constatons un vieillissement de la population accueillie avec un âge moyen des nouveaux patients chroniques de 75 ans. Une large majorité d’entre eux souffrent de facteurs médicaux aggravants. Cette réalité de terrain nécessite une prise en charge renforcée.
Nous aurons, l’opportunité d’aborder ces sujets le mardi 7 juin 2011, à la journée « dialyse » pilotée par la FHP, avec les autorités de tutelles, les représentants de l’état et les associations d’usagers, avec lesquels nous sommes en dialogue constant et qui connaissent nos objectifs de qualité et de sécurité des soins. Je souhaite que les problématiques que nous rencontrons soient identifiées et reconnues car les orientations tutélaires (avec l’accent mis sur l’auto-dialyse et la prise en charge en dialyse péritonéales) sont trop souvent contraires à la « vraie vie » de nos établissements et des patients.