Le Dr Paul Garassus, président du conseil scientifique du BAQIMEHP, vice-président de la Société française d’économie de santé, vient d’être réélu président de l’Union européenne de l’hospitalisation privée (UEHP) pour un troisième mandat de deux ans.
Y a-t-il un projet européen de la santé ?
La moitié des dépenses de protection sociale dans le monde est européenne alors même que nous ne sommes que 500 millions d’habitants. Notre modèle européen unique est très riche en termes de protection sociale, et seul le Japon nous est comparable. À l’intérieur de cette bulle de protection sociale qui attire tant, les difficultés d’accès aux soins sont minimes alors qu’elles sont majeures ailleurs, soit du fait de la structuration du système, soit pour des raisons financières. Toutefois, la bulle n’est pas homogène et même si nous partageons les mêmes valeurs humanistes, on observe des différences : les règles d’accès à l’offre de soins ne sont pas identiques entre l’Angleterre et la France par exemple ou selon le type de régime de cotisation comme en Allemagne.
Chaque état membre européen est de fait hyper protecteur de son propre modèle s’abritant derrière son histoire sociale, sans vraiment s’ouvrir à d’autres expériences et de fait les frontières restent étanches en termes d’initiatives communes. Nous avons rencontré récemment le secrétaire d’État à la santé polonais qui a reconnu avoir appris sur l’Europe de la santé davantage en une heure avec nous qu’en un an dans son ministère.
De fait le traité de Lisbonne est très clair et le principe de subsidiarité du système de santé revient à chaque état membre ; cela nous a été clairement rappelé la semaine dernière par le commissaire européen à la Santé qui nous a reçus. L’Europe peut donc émettre des principes et produire des directives mais chaque état membre reste maître de son système de santé via ce principe de subsidiarité. Il n’y aura donc pas « un » système de santé européen mais pour autant des coordinations sont à construire.
Le patient européen où qu’il réside, ne va-t-il pas réclamer une Europe de la qualité en santé ?
Sur la question de la qualité des soins, l’approche européenne est nécessaire mais pas suffisante. Les idées forces qui vont remodeler l’offre de soins doivent pour autant être dans tous les états membres, des indicateurs qualité équivalents. Le patient acceptera sans doute des taux de couverture différents mais le patient hongrois n’acceptera pas d’être moins bien soigné que le patient allemand. L’homogénéisation progressive des systèmes de santé se fera par l’équité d’accès de soins équivalents. Naturellement, il faudra des règles de définition de la qualité basées sur des données scientifiques et des indicateurs communs mais à terme il n’y a aucune raison qu’ils soient différents d’un état à l’autre. Les systèmes de santé évolueront sous cette pression induite par le citoyen européen qui attend des standards internationaux de qualité équivalents. Nous voyageons en Europe pour des raisons professionnelles, familiales ou touristiques : nous espérons avoir les mêmes services, partout.
Quel rôle l’UEHP joue-t-elle ?
C’est une plateforme d’échanges professionnels. Elle permet de renforcer ses approches en termes d’innovation ou de stabiliser son expertise grâce à des contacts croisés. Elle crée surtout une communauté qui a aussi besoin de réassurance face à un environnement réglementaire changeant mais surtout en réponse à une pression économique qui limite les initiatives pertinentes.
Pour les pays avancés, il est utile de prendre conscience que l’offre privée représente un gage d’efficience utile à l’optimisation des systèmes de santé. Elle apporte une performance managériale, des investissements stratégiques et fournit la qualité de soins attendue par le niveau de protection sociale promis. Parallèlement, cette plateforme facilite le développement de l’offre de qualité dans les pays européens moins avancés comme la Roumanie ou la Bulgarie mais aussi dans les pays et régions souhaitant nous rejoindre comme la Moldavie ou les Balkans. Le potentiel de croissance existe pour l’offre privée car dans ces pays le financement public seul ne peut suffire à la rénovation de l’offre de soins. On assiste là à une délégation de tâche pragmatique qui fonctionne en libéralisant les initiatives privées sous contrat avec les assurances publiques.
Par ailleurs, l’UEHP est un levier indispensable pour diffuser des informations venant de Bruxelles concernant les directives et règlements, mais aussi sur les financements possibles. Deux champs s’ouvrent : celui de l’innovation et du numérique (optimiser ses propres systèmes numériques et innover) et celui de la formation avec la création de nouvelles filières professionnelles diplômantes liées à l’aide à la personne et à la coordination du parcours de soins. L’Europe a sur ces points un rôle structurant et veut jouer sa part face aux GAFA ou à la Chine. L’hospitalisation privée, fortement éligible sur des programmes, peut largement s’y illustrer.
Comment abordez-vous cette réélection ?
Je suis réélu pour un nouveau mandat de deux ans. Je suis médecin avant toute chose et ma motivation est de mettre à disposition mon expérience de soignant en la transposant à l’échelle d’une régulation positive de l’ensemble des systèmes de santé. C’est la même fonction à deux échelles différentes. Le patient doit aller mieux en quittant mon cabinet, de même il doit aller mieux en quittant une clinique européenne. Entré en 1974 à la faculté de Médecine et depuis parcourant l’Europe dans tous les sens, mon investissement personnel est au service de ce progrès fantastique qu’est l’Europe des citoyens. Mais sans la co-construction avec des professionnels de santé engagés, le régulateur n’arrivera pas à trouver la bonne adéquation. Et dans ce débat, même si on ne m’invite pas, je m’y invite !