Patrick Breack, expert en conception et hygiène hospitalière, publie Comprendre et concevoir le bloc opératoire, aux éditions
Hospihub.
L’objet de votre ouvrage est-il de réinventer le bloc opératoire ?
Plutôt de faire des mises au point. J’ai passé une trentaine d’années dans les blocs opératoires à essayer de comprendre pourquoi les malades s’infectaient, puis à travailler sur leur organisation. Je connais bien leur fonctionnement. La raison de ma démarche est de transmettre mon expérience. Dans mon ouvrage, je propose de revenir à des bases plus saines concernant la conception du bloc opératoire. Au fil du temps, elle a conduit à réduire la sécurité car les concepteurs se sont fourvoyés dans des approches qui ne sont pas bonnes. Mon propos est technique, économique et fonctionnel. Dans ce livre, je m’adresse aux concepteurs d’abord, aux architectes, ingénieurs, mais aussi aux soignants et aux directeurs car ils ne connaissent pas bien les aspects techniques, ce n’est pas leur rôle, et ils ne connaissent pas très bien non plus le bloc opératoire parce qu’ils n’ont pas souvent l’occasion d’y aller.
Concrètement, quels sont les points que vous souhaiteriez souligner ?
Il y a d’abord un élément qui coûte cher : le traitement de l’air. Par méconnaissance des phénomènes aérauliques, nous assistons à une hypertrophie de la sécurité et paradoxalement à un accroissement des risques. Par exemple, la norme européenne sur le traitement d’air est excessive. Dans des conditions chirurgicales équivalentes, on dépense moins d’argent aux États-Unis, dans un pays où personne ne veut prendre le risque de complications infectieuses. Ainsi, une étude de 2010 menée sur trois ans et reposant sur plus de 394 000 patients dans 3 500 hôpitaux préconise de travailler en chirurgie orthopédique avec la même qualité d’air mais en diffusant 20 volumes par heure dans la salle au lieu de 50. L’économie est sensible.
Autre exemple simple. Une part importante de l’air qui circule dans le couloir central du bloc pénètre dans la salle d’opération et la pollue à chaque ouverture de porte. Pour éviter cela, il faut un volume intermédiaire : un sas avant chaque salle d’opération, c’est ce qui se faisait avant ! Mais des gens très intelligents ont imaginé que ce serait bien de les supprimer et ne les ont remplacés… par rien d’autre qu’une surpression, ce qui est illusoire. Pour fabriquer des puces électroniques, nous prenons des précautions qui ne sont plus prises dans les blocs opératoires. Quand on explique aux chirurgiens que la sécurité du traitement d’air est une illusion parce que leur bloc est mal conçu, ça les intéresse beaucoup !
Une autre proposition du livre concerne les stockages. Elle vise à libérer du temps pour le personnel du bloc opératoire au travers d’une organisation simplifiée qui facilite la gestion des stocks. Schématiquement, le personnel évacue le matériel après l’intervention vers la stérilisation et récupère des packs prêts pour l’intervention suivante.
Globalement, le bloc opératoire est de plus en plus complexe et coûte de plus en plus cher, il faut être efficace, assurer la sécurité, mais faire des économies quand c’est possible.
Vous recommandez également un meilleur confort pour les soignants. Pourquoi ?
Il faut humaniser le bloc opératoire et c’est facile. Si le bloc est agréable à vivre, ergonomique, efficacement conçu, tout le monde sera satisfait, travaillera mieux et ce sera bénéfique pour les patients. Un bloc opératoire sinistre ne donne pas envie d’y travailler. Si l’ambiance est soignée, l’éclairage agréable, les patients ne sont pas angoissés et chacun travaille plus sereinement.
Bénéficier de lumière naturelle dans les salles d’opération pour fermer les rideaux la plupart du temps parce qu’il faut lire un écran, ça se discute. En revanche, dans les bureaux, la salle de détente, au bout des couloirs, la lumière naturelle permet de voir quelle heure il est, quel temps il fait, de garder un contact avec l’extérieur, c’est indispensable. Voir des éclairages au centre d’un couloir ou répartis sur les côtés, n’est pas du tout pareil quand on est allongé sur un brancard. Au niveau de l’ambiance du bloc la couleur est importante, rien n’oblige à ce qu’il soit gris ou vert. Pour concevoir un bloc opératoire, il faut du bon sens et se mettre à la place des autres, ça change tout et ça ne coûte rien.